Comment dire du mal de Richard Garneau, ce prince des ondes, cultivé, gentleman, passionné d'olympisme, une voix unique, un modèle qui a toujours attiré le respect et l'admiration? Sa mort, en janvier 2013, avait suscité l'incrédulité, tant l'homme était vivant et encore très actif.

Vous risquez donc d'être un peu secoué par la vision qu'en a son fils Stéphane dans le documentaire Richard Garneau: 10 secondes d'extase, que diffusera ICI RDI demain à 20 h dans Les grands reportages et ICI Radio-Canada Télé le 16 juillet à 21 h. Tout en glorifiant sa carrière, l'oeuvre de la réalisatrice Sophie Lambert (L'amour au temps du numérique) déboulonne un peu le mythe et insiste beaucoup sur le père absent qu'il était. Très touchant par moments, le documentaire n'a rien de la complaisance des biographies habituelles.

En choisissant de revenir sur la carrière prolifique de son père - c'est lui qui a lancé le projet -, Stéphane Garneau, qu'on peut entendre chez Le Bigot le samedi matin, ne se voyait pas faire abstraction de ce père qui n'était jamais à la maison. Malgré la peur constante d'entacher l'image d'une icône, il a fait le pari de décrire Garneau tel qu'il était, un homme de sa génération, dont la carrière passait avant tout, y compris sa famille.

Ne le voyons pas comme un règlement de comptes, mais davantage comme une quête pour comprendre qui était ce père quand il n'était pas à la maison.

Dans une entrevue qu'il accordait à Lise Payette dans Place aux femmes en 1967, Richard Garneau admettait négliger beaucoup sa famille au profit de son travail, sans éprouver de doute, parlant même de sacrifice. Son grand ami, Paul Houde, rappelle, à la blague, que c'était «une époque de machos absolument abjecte», que Garneau partait couvrir le football canadien «juste pour ne pas être à la maison». Une déclaration qui fait rire Stéphane Garneau, mais jaune.

Parce qu'enfant, il n'a pas eu ce père qui l'aiderait à se forger une personnalité. Que le frère aîné de Stéphane aurait aussi eu besoin de son père quand il a éprouvé des problèmes de délinquance, d'alcool et de drogue. Celui-ci est mort à 54 ans, un mois avant son père, après une existence pénible. On sent la blessure encore vive.

Ne croyez pas que Richard Garneau n'en était pas conscient. En 2002, il avouera à Marie-Claude Lavallée qu'il s'agit d'un des grands regrets de sa vie. Jean-Paul Baert, qui a analysé les compétitions d'athlétisme avec lui et qui a reçu ses confidences, a les meilleurs mots pour le décrire. Il parle d'un homme qui aimait pousser son métier à l'extrême. «Mais il avait raté quelque chose dans sa vie personnelle, qui était ses enfants. C'était un peu ça, Richard Garneau», dit-il à un Stéphane très ému.

Passion olympique

S'il y est beaucoup question du père absent, le documentaire fait une grande part à la passion de Richard Garneau pour les Jeux olympiques, à toute l'admiration qu'il vouait au maire Jean Drapeau pour avoir décroché ceux de 1976. Amis et collègues de longue date parlent de lui avec nostalgie et admiration. Les 10 secondes d'extase du titre rappellent cette fin de course de Guillaume Leblanc, qui lui a valu l'argent à Barcelone en 1992, et qui a rendu Richard Garneau euphorique en ondes, lui qui l'avait encouragé durant toutes ces années. 

«Dix secondes d'une telle force avec un autre être humain, et ça, c'est pas quelque chose qui se reproduisait à la maison», dit aujourd'hui son fils, assis sur la galerie de la presse au Stade olympique, d'où son père a décrit les Jeux de Montréal en 1976.

Le documentaire n'arrive pas seul, mais accompagné d'un documentaire radio en deux parties, Richard Garneau: six décennies d'émerveillement, déjà disponible sur Première Plus, et diffusé aujourd'hui et demain, à 10 h, sur ICI Radio-Canada Première. Dans une forme plus classique, on y retrace sa carrière de façon chronologique à travers les témoignages de Pierre Nadeau, Jean-Pierre Ferland, Lucien Bouchard et d'une multitude de personnalités. Ajoutez à cela un livre numérique où Richard Garneau nous sert de guide olympique et une exposition à la Grande Bibliothèque à Montréal, et vous avez le portrait complet du personnage.

Ce n'est pas un hasard si ce festival Garneau arrive quelques semaines avant les Jeux de Rio; le commentateur souhaitait s'y rendre pour couvrir ses 25es et derniers Jeux, et s'arrêter à 86 ans, comme Mike Wallace, de 60 Minutes. Marie-José Turcotte a promis d'afficher fièrement une photo de Richard Garneau en studio lors des Jeux, pour le garder bien vivant.