Un entrepreneur a appris à ses dépens qu'une poignée de main des dragons de Radio-Canada devant 1 million de téléspectateurs n'équivaut pas à un marché conclu.

L'inventeur d'une toilette-bidet vient de perdre la poursuite qu'il avait intentée contre deux vedettes de l'investissement à la suite de leur retrait d'une entente.

En mars 2013, Jules Allard croyait avoir vendu le brevet de son invention pour 50 000 $ à Alexandre Taillefer et Daniele Henkel, pendant l'enregistrement d'un épisode de l'émission Dans l'oeil du dragon.

Mais quelques mois - et quelques appels téléphoniques à des spécialistes - plus tard, les deux investisseurs ont indiqué à M. Allard qu'ils retiraient leur offre d'achat.

«Ils ont contacté deux entreprises importantes qui oeuvrent dans le domaine de la plomberie et de la distribution. Elles n'étaient pas intéressées à commercialiser la toilette-bidet du demandeur», relate le juge Alain Breault dans sa décision, rendue le mois dernier. «Pour elles, le marché était marginal et le produit nécessitait encore quelques améliorations.»

Le juge a dû se prononcer sur l'affaire après le déclenchement d'une poursuite de 7000 $ par Jules Allard contre les deux dragons et la maison de production Attraction. La cour a déterminé que le contrat signé par l'inventeur avant son apparition télévisuelle prévoyait en toutes lettres qu'«une entente intervenue pendant l'émission n'est pas finale», selon le magistrat.

Par ailleurs, M. Allard «ne pouvait ignorer» que «certains aspects» de Dans l'oeil du dragon «relèvent avant tout d'un spectacle», a écrit le juge Breault. Les participants obtiennent une forte visibilité, mais acceptent de mettre une croix sur «le cours normal des transactions commerciales».

«Je ne trouve pas ça honnête»

Joint chez lui, l'inventeur s'est dit «très déçu» par le comportement des dragons et par la décision de justice qui vient de tomber.

«Je ne trouve pas ça honnête», a-t-il affirmé, ajoutant avoir payé un surplus pour obtenir un brevet canadien plus rapidement et avoir suspendu sa production artisanale à la demande des dragons. 

«Ils ont le beau sourire et les belles poignées de main devant 900 000 spectateurs. [...] C'est un spectacle, un show

Alexandre Taillefer, l'un des deux dragons impliqués, croit que cette histoire doit servir de leçon aux futurs participants de l'émission. «Aucun investisseur ne mettrait de l'argent dans une entreprise après avoir discuté pendant 45 minutes sans avoir vu les chiffres et fait son analyse. La télévision ne change rien à cet aspect», a-t-il réagi dans un courriel à La Presse, soulignant «les règles clairement établies».

«Tant mieux si cette information est diffusée, le public doit aussi comprendre que de l'argent, ça ne pousse pas sur les arbres et que du financement ne se trouve pas en criant ciseau!», a-t-il ajouté.

La maison de production Attraction Images est du même avis. Les participants sont «avisés très clairement» avant et après le tournage, a fait valoir Martine Tremblay, responsable des affaires juridiques. «On est satisfaits de la décision.»

Pour sa part, Daniele Henkel a assuré en entrevue téléphonique qu'elle et M. Taillefer ont toujours été «clairs» avec M. Allard et n'ont jamais promis quoi que ce soit. «Le produit s'est avéré être un produit qui n'est absolument pas dans les normes hygiéniques, qui a besoin d'être complètement modifié», a-t-elle déploré.