Plus de 25 ans après son premier rôle au grand écran dans Le déclin de l'empire américain de Denys Arcand, Geneviève Rioux se place derrière la caméra pour un premier documentaire. Crée-moi, crée-moi pas parle de la confrontation, mais aussi de la complémentarité entre création et procréation chez les femmes artistes.

Geneviève Rioux se souvient de la présentation de la pièce Les Grecques montée en 1998 par le Théâtre de l'Opsis et dans lequel chacune des comédiennes jouait un personnage de la mythologie.

«J'incarnais Clytemnestre, dit-elle. Chaque jour, dans les loges, nous étions plusieurs mères qui, en arrivant en coup de vent de la maison, nous parlions de marques de yogourt et de natation. Puis, peu à peu, nous entrions dans nos personnages en entendant, en coulisses, les murmures venant de la salle.»

Mme Rioux constate qu'il y a dans cette période de sa vie toute l'essence qu'on retrouve dans Crée-moi, crée-moi pas, un documentaire sur le désir de création et de procréation chez les femmes artistes. Un désir tantôt antagonique, tantôt impossible, tantôt enrichissant.

«Dans Les Grecques, nous avions toutes cette pulsion de vouloir nous exprimer dans l'espace public tout en essayant d'être les mères les plus disponibles», dit la comédienne, qui fait ainsi le pont avec le contenu du documentaire dont elle a eu l'idée originale.

Présenté le lundi 14 janvier à 21h sur les ondes de Télé-Québec, Crée-moi, crée-moi pas donne la parole à plusieurs femmes (Betty Bonifassi, Nancy Huston, Brigitte Haentjens, Agnès Jaoui, Valérie Blass) et quelques hommes (René Richard Cyr, Robert Lepage), artistes qui travaillent dans des horizons divers et qui vivent des situations familiales différentes. Chacun apporte ses observations sur la création et les enfants. Le film est une réalisation de Marie-Pascale Laurencelle et une production de Marie-France Bazzo.

Chemin parcouru

Dans le film, il est question de culpabilité, de choix douloureux, de sentiment de dépossession. Mais aussi du chemin parcouru. Entre Le déclin et La vérité, son plus récent film, Geneviève Rioux a eu deux enfants, a assisté à des changements sociaux importants et a vu naître du progrès pour les femmes créatrices.

«Il y a eu l'arrivée des garderies subventionnées. Avec la pilule, le système des garderies nous a sans doute donné plus de liberté de créer parce que les artistes sont bien souvent des gens avec des revenus modestes.»

La comédienne salue également l'émergence d'une nouvelle génération de femmes qui mène de front une carrière de mère et de créatrice. Elle donne en exemple la réalisatrice Anaïs Barbeau-Lavalette (présente dans le film) qui, enceinte de plusieurs mois, a défendu le projet de son film Inch'Allah devant les institutions. «Anaïs était convaincue de pouvoir tourner le film même avec un enfant en bas âge et elle l'a fait. C'est un nouveau modèle», lance Mme Rioux.

En se documentant pour son projet, la comédienne a consulté des oeuvres sur des femmes créatrices dans le passé. «Plusieurs présentent des femmes torturées comme Silvia Plath, Virginia Woolf ou encore Camille Claudel, dit-elle, alors que chez les hommes, leur côté créateur est présenté d'un côté positif.»

Lorsqu'on lui fait remarquer qu'elle a elle-même incarné Simonne Monet-Chartrand, modèle positif de femme militante et créatrice, elle répond du tac au tac: «Vrai! Simone, c'est une inspiratrice. Mais elle a quand même eu sept enfants en peu de temps.»