«Les politiciens passent, les caricaturistes restent», lance Serge Chapleau du haut de ses décennies d'expérience. «Il y a 25 ou 30 ans, ça m'aurait angoissé de voir partir une figure comme celle du maire Gérald Tremblay. Plus aujourd'hui. Je suis persuadé de ne jamais manquer de matériel.

«Il y aura toujours de nouveaux candidats pour remplacer les anciens dans l'actualité, poursuit le caricaturiste de La Presse. Actuellement, avec la commission Charbonneau, c'est incroyable! Chaque jour, on voit de nouveaux témoins qui sont des cartoons vivants. Arrêtez, la cour est pleine!»

Il reste qu'en deux mois, trois vétérans de la politique québécoise ont démissionné: Jean Charest après sa défaite aux dernières élections, puis les maires de Montréal et de Laval. Des personnalités publiques qui ont fait le bonheur de plusieurs satiristes de la province.

Sur le blogue de l'émission Infoman, on a même souligné le départ de Gérald Tremblay. «Sa disparition du paysage médiatique va laisser un grand vide. Souhaitons que son frère Marcel revienne à l'hôtel de ville, pour perpétuer l'image de marque de la famille!»

À C'est bien meilleur le matin, la semaine dernière, Jean-René Dufort a fait l'éloge du «bon maire naïf» et habitué d'Infoman. «Gérald était un cochon d'Inde dans un panier de rats!», a lancé l'animateur. Mais le changement et la nouveauté ne lui font pas peur pour autant. «Ce sont deux bons ingrédients en humour. Parfois, à force de trop côtoyer des politiciens, ça devient plus dur de faire des niaiseries sur eux.»

Contrairement à Dufort, Chapleau, qui travaille au quotidien en solitaire, ne pleure pas sur ces départs successifs. «J'ai dessiné Jean Charest des centaines de fois et je l'ai oublié le lendemain de sa démission.»

Toutefois, c'est différent pour son autre boulot de concepteur à Et Dieu... créa Laflaque. «Quand on décide de créer un personnage virtuel pour l'émission, ça coûte cher, environ 40 000$. Le voir subitement disparaître de l'écran radar, ça fait mal!»

Disparus dans l'espace

Ça lui est arrivé avec la marionnette d'André Boisclair. Quelques semaines après son entrée remarquée à l'émission du dimanche soir, à l'hiver 2007, elle est devenue obsolète à la suite de la démission de l'ex-chef du Parti québécois.

Depuis, Chapleau et son équipe ont réglé le problème en fabriquant un vaisseau spatial - à la Star Trek - dans lequel se retrouvent les grands disparus de l'arène politique. Les Mario Dumont, Paul Martin, Stéphane Dion, Jacques Parizeau, Gilles Duceppe et compagnie. «Et dans ce contexte, explique Chapleau, ils dépassent la caricature pour devenir de véritables personnages, loin de l'actualité.»

«On va retrousser nos manches et trouver inévitablement de nouvelles personnalités à imiter et à caricaturer», confirme le scripteur et imitateur Pierre Verville, qui en a grandement besoin. Il collabore à la revue humoristique de Philippe Laguë, À la semaine prochaine, diffusée le samedi sur la Première Chaîne de Radio-Canada, en plus de Laflaque et de ses chroniques matinales à la radio avec René Homier-Roy.

«Je cherche encore un personnage fort qui ressort du cabinet Marois. Pour le moment, il n'y en a pas beaucoup. Mais je trouve de plus en plus intéressants [les nouveaux ministres péquistes] Bernard Drainville et Jean-François Lisée. Je travaille sur leur cas», annonce l'imitateur.

Si ces observateurs des travers des hommes et des femmes politiques ne sont pas en deuil cet automne, c'est parce qu'ils attendent avec impatience le retour d'une personnalité publique inénarrable... «De savoir que Denis Coderre va se présenter à la mairie de Montréal, ça me rassure! s'exclame Jean-René Dufort. Si les Montréalais remplacent Tremblay par Coderre, tous les satiristes de l'actualité politique québécoise vont y gagner au change.»