Cornemuse, Toc Toc Toc et autres héritiers de Passe-Partout ne sont plus les bienvenus à la télévision de Radio-Canada. La société d'État, qui a meublé les temps libres de générations d'enfants, ne veut plus être obligée de diffuser des émissions destinées en premier lieu aux jeunes.

Dans des documents produits en vue du renouvellement de sa licence, la société d'État demande en effet l'élimination des règles lui imposant la diffusion de 20 heures par semaine d'émissions jeunesse en français, dont quatre heures de productions originales canadiennes pour les enfants de moins de 11 ans.

Une requête semblable vise la diffusion d'émissions pour enfants et adolescents en anglais, sur les ondes de la chaîne principale.

Dans son plan stratégique dévoilé en février dernier, la société d'État prévenait d'ailleurs que «de plus en plus, la programmation pour enfants serait diffusée sur le web pour tenir compte des changements dans les habitudes d'écoute».

Le mouvement ne touche pas que la télévision. La dernière émission de radio conçue spécialement pour les enfants et les adolescents à la société d'État a perdu sa case horaire la semaine dernière. En confirmant la nouvelle, la direction de

Radio-Canada a dit vouloir rejoindre les jeunes «où ils se trouvent», c'est-à-dire sur le web.

Le vice-président aux affaires réglementaires du diffuseur, Steven Guiton, a assuré qu'il n'était pas question que Radio-Canada cesse de s'intéresser aux jeunes. Il affirme qu'il y aura toujours de la place à la société d'État pour des émissions de qualité et stimulantes, principalement pour la clientèle de 2 à 8 ans.

Il reconnaît toutefois que l'offre télévisuelle destinée aux jeunes sera peut-être moins abondante. «Dans un environnement où le marché a vraiment changé (...) forcer Radio-Canada à faire tout ça à la télévision conventionnelle, c'est difficile», a-t-il confié en entrevue à La Presse Canadienne.

Dans sa requête au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), Radio-Canada explique qu'elle a besoin de souplesse pour fonctionner de manière «efficace et efficiente dans un environnement multiplateforme en mutation rapide».

D'après M. Guiton, le diffuseur public est prêt à discuter avec le CRTC de la manière d'atteindre cet objectif «tout en offrant une programmation que les Canadiens veulent avoir».

En plus de souhaiter un assouplissement des règles sur la programmation jeunesse, Radio-Canada demande au CRTC de ne plus l'obliger à diffuser du contenu régional, sauf de l'information. Le diffuseur ne veut pas non plus qu'on lui impose de financer la production indépendante ailleurs que dans les grands centres.

Dans un communiqué transmis lundi, Radio-Canada dit vouloir produire plus de «contenu distinctif», améliorer ses services locaux de télévision et de radio, et doubler ses investissements dans les plateformes numériques.

La semaine dernière, la société d'État a rendu publique une étude qui chiffre ses retombées économiques annuelles à 3,7 milliards $ par an.

Le diffuseur souligne qu'il investit 683 millions $ par an pour la programmation canadienne, soit plus que tous les autres radiodiffuseurs généralistes du pays combinés.

Les audiences publiques sur le renouvellement de ses multiples licences de radio et de télévision auront lieu en septembre prochain, à Gatineau. Les Canadiens ont jusqu'au 28 juillet pour transmettre leurs observations au CRTC par écrit.

Les licences de CBC/Radio-Canada ont été renouvelées pour la dernière fois il y a 12 ans, avant le mouvement d'intégration verticale qui a vu tous les radiodiffuseurs privés du pays passer dans le giron de télédistributeurs comme Vidéotron, Bell Canada et Shaw.