Si vous ne connaissez pas Modern Family, ruez-vous sur la première saison disponible en DVD (en anglais seulement). Vous allez tomber amoureux de la magnifique Glorrria et de son adorable fils Maaanny. Vous allez flancher pour les petites névroses de chacune des familles qui forment, malgré leurs conflits, un ensembleuni et solide. Voici une incursion 100% hollywoodienne dans les coulisses de cette série craquante et... moderne.

Une star de Hollywood se balade rarement seule. Sur le plateau de la comédie Modern Family, la meilleure sitcom en ondes, point à la ligne, les acteurs naviguent entre les différents décors accompagnés d'un bataillon de relationnistes, d'un coiffeur-maquilleur à grosses lunettes ou d'un assistant personnel, quand il ne s'agit pas d'un entraîneur de dogalates (ça, c'est du Pilates et du yoga pour chiens) ou d'un réaligneur de chakras.

Ça fonctionne souvent de cette façon dans les coulisses de Hollywood. Rien de tout ce chichi ne transparaît - heureusement - quand on se tape sur les cuisses en dévorant les péripéties des trois clans au coeur de Modern Family.

En ondes depuis l'automne 2009 sur ABC, cette série toute simple s'articule autour de trois familles: une nucléaire, une homoparentale et une reconstituée. Trois couples aux prises avec des problèmes, eh oui, modernes. Faut-il devenir les «z'amis» de ses enfants? Comment briser le cliché de la femme-trophée? Les parents gais doivent-ils nécessairement se fondre à la masse pour être acceptés? Un lien très fort unit ces trois cellules hétérogènes, que vous découvrirez avec bonheur à la fin dupremier épisode.

Dans la première maison cossue d'un quartier paisible de Los Angeles, il y a Phil, Claire et leurs trois enfants Haley, Alex et Luke. Phil (Ty Burrell) s'est autoproclamé le papa cool, ce qu'il n'est pas, même s'il connaît toutes les chorégraphies de High School Musical (roulement de yeux) et qu'il abuse des textos. Sa femme Claire (Julie Bowen), un brin névrosée, reste au foyer et incarne la superfemme de banlieue. Malheureusement, deux de leurs trois préados (Luke et Haley) ne brillent pas fort au rayon de l'intelligence. Comme on le voit rarement à la télévision, cette stupidité apparente irrite les parents.

Quelques rues plus loin habitent Cameron et Mitchell, un couple gai qui vient d'adopter un bébé d'origine vietnamienne, l'adorable Lily. Cameron-le-flamboyant (Eric Stonestreet) demeure à la maison, tandis que Mitchell-le-coincé (Jesse Tyler Ferguson) bosse pour une firme d'avocats.

Finalement, voici Jay, Gloria et Manny. Sexagénaire divorcé, Jay (Ed O'Neill) vit maintenant avec la superbe Gloria (Sofia Vergara), une bombe latine beaucoup plus jeune que lui, ainsi que le fils de Gloria, Manny, trop mature pour ses 11 ans. Manny ne boit que des espressos et enfile desvestons bourgogne.

Modern Family collectionne les prix depuis un an et demi. Fin août, Eric Stonestreet a raflé un Emmy pour son interprétation très juste de Cameron, un gai extraverti et admirateur de football, et le vit avec beaucoup d'humilité. «Ça fait 14 ans que je suis acteur. J'ai toujours été celui qui a failli être dans telle ou telle émission. Mon contrat le plus long a duré huit jours dans The West Wing», se souvient Stonestreet, Coke Diète dans une main et téléphone intelligent dans l'autre.

Pour les fans qui se posent la question, non, Eric Stonestreet n'est pas homosexuel dans la «vraie vie». Jesse Tyler Ferguson, qui joue son amoureux, oui. «J'ai fait mon coming out trois fois à mon père pour qu'il comprenne», révèle l'acteur roux qui campe Mitchell, emmitouflé dans une grosse veste en tricot.

Mais comme le souligne avec justesse Julie Bowen, la Claire hyperactive de la familly Dunphy, «le fait qu'il y ait un couple gai, ce n'est pas ce qui fait l'histoire, ça sert plutôt de toile de fond».

N'empêche. L'an dernier, plusieurs téléspectateurs ont déploré que Cameron et Mitchell ne s'embrassent jamais à la télé. La situation a été corrigée dans la saison suivante de façon intelligente et comique. «Moi, j'ai dit aux auteurs, arrêtez de niaiser avec le baiser et faites passer Cam et Mitch directement à la fellation!» rigole Ed O'Neill, le patriarche Jay, qui a longtemps pris les traits d'Al Bundy dans Married with Children.

Voilà qui explique le succès de Modern Family: c'est brillant, touchant et sarcastique en même temps. Parfois, on éclate de rire dans une scène burlesque et la minute suivante, c'est la subtilité d'un regard ou un silence inconfortable qui déclenche la rigolade.

Glorrria

Une des grandes responsables de la portion comique, c'est l'actrice colombienne Sofia Vergara, alias la séduisante Glorrria, dont la spécialité est de massacrer la langue anglaise avec son fort accent espagnol. «Les auteurs écrivent maintenant directement dans le scénario tous les mots que Gloria prononce mal. Mais, bien sûr, j'en rajoute beaucoup», glisse Sofia Vergara, très sobre et élégante dans ses vêtements noirs.

En personne, Sofia Vergara parle pratiquement comme Gloria, mais avec un peu moins de mots déformés. Pendant des années, elle a tout tenté pour se débarrasser de ce bel accent chantant, qui est maintenant devenu sa marque de commerce. «Je ne trouvais jamais de boulot. J'auditionnais toujours pour des rôles de Noires ou d'Asiatiques. J'ai tellement dépensé d'argent en coach de voix. En audition, je me concentrais uniquement sur la prononciation des phrases. Et je devenais de plus en plus mauvaise tellement j'avais peur de me tromper», se souvient Sofia Vergara, dont la carrière a décollé quand elle s'est assumée en tant que comédienne sud-américaine.

Bien sûr, des membres de la communauté hispanophone lui ont reproché de cimenter les stéréotypes associés aux femmes latines : bruyantes, séduisantes et voluptueuses. «Mais je suis comme ça. Il n'y a rien de mal là-dedans», rigole la comédienne, mère d'un garçon de 19 ans.

Chez les Dunphy, une question chargée turlupine les téléspectateurs: comment Claire et Phil font-ils pour s'endurer? «Avec l'aide de beaucoup de médicaments», indique en riant Julie Bowen, l'interprètede Claire.

On repose la question autrement: Claire n'a-t-elle pas le goût de larguer son nigaud de mari quand il agit comme son fils? «Non, tranche Julie Bowen. Pourquoi ce ne serait pas lui qui la quitterait? Claire est ultra névrosée et c'est son mari qui est drôle. Les contraires s'attirent. En même temps, Claire et Phil aiment les mêmes petites choses décalées comme les films d'horreur desérie B.»

Julie Bowen ajoute: «Le plus important, c'est que cette famille-là s'aime. Oui, dans le pilote, Phil tire sur son garçon avec un fusil à plombs, mais ça n'a rien à voir avec de la violence faite aux enfants. Les producteurs nous ont dit : "Si vous n'êtes pas à l'aise avec cette scène, eh bien, cette émission n'est pas pour vous."»

Amen.

Tranches de vie

> Modern Family arrive dans nos salons sous forme de faux documentaire, mais jamais les acteurs ne révèlent qui les filme. «C'est un procédé qui permet d'inclure les téléspectateurs plus directement dans l'histoire», note l'acteur Ed O'Neill (Jay).

> Les scènes de confession, où les personnages s'adressent à un intervieweur anonyme, sont souvent improvisées. «On peut toujours jouer. On change les répliques, on ajoute des réactions, ça bouge tout le temps», indique Eric Stonestreet (Cameron).

> Les scénaristes puisent directement dans la vie des comédiens pour nourrir les personnages. Par exemple, Eric Stonestreet a créé le personnage du clown Fizbo alors qu'il était tout petit. «J'ai aussi grandi avec des cochons et des vaches, comme Cameron, et j'ai également joué au football à l'université», confie-t-il.