C'était la dernière période de la saison, hier, pour le trio du Sportnographe, l'émission qui parodie avec intelligence les tribunes sportives radiophoniques sur la Première chaîne de Radio-Canada. Rencontre dans le vestiaire pour un bilan de cette première saison.

Ils viennent de terminer leur première vraie saison (Le Sportnographe a fait ses débuts en janvier 2009) et on peut dire que c'est l'émission radiophonique la plus originale des ondes actuellement.

 

Tout a commencé il y a une trentaine d'années, lors d'une rencontre entre Jean-Philippe Wauthier et Olivier Niquet. C'était dans une baignoire, quelque part à Chicoutimi, et les deux jeunes hommes étaient alors âgés de 3 mois... «Nos parents se connaissaient et nous sommes restés amis», explique Jean-Philippe Wauthier.

Une vingtaine d'années plus tard, les deux jeunes hommes lançaient un blogue consacré au hockey avec un troisième joueur, Alex Provencher. Jusqu'au jour où un autre Jean-Philippe (Pleau), alors à l'émission Macadam tribus, est venu interviewer les deux comparses pour un reportage consacré aux blogues de hockey. La rencontre aura été un véritable coup de foudre professionnel et amical qui ne s'est pas démenti à ce jour.

Il y a un lien à faire entre le défunt Macadam tribus et Le Sportnographe: les deux émissions, chacune à leur époque et à leur façon, auront traduit le zeitgest (l'esprit du temps) de leur génération. Ce sont deux émissions où les idées s'entrechoquent, ou l'auditeur est à la fois surpris, déstabilisé et amusé et ce, toujours avec intelligence.

Notre rencontre a eu lieu le 11 juin dernier, quelques heures à peine après que les employés de la radio de Radio-Canada eurent appris le départ de leur directeur, Jean-Francois Rioux. La nouvelle a quelque peu ébranlé l'équipe du Sportnographe, puisque c'est M. Rioux qui avait donné le feu vert à leur projet.

«Ça prenait un certain courage pour mettre cette émission en ondes, observe Jean-Philippe Wauthier. L'émission a été insérée dans la programmation avec une crowbar. Imaginez, trois jeunes inconnus qui viennent rire du Canadien à la radio de Radio-Canada. Disons que certaines personnes aux sports ne l'ont pas trouvé e drôle.»

Paul, Yvon et Réal

Derrière des pseudonymes amusants (Paul Meilleur-Aucoin, Yvan Piquette et Réal Munger, en hommage à une entreprise de location d'outils du patelin où Wauthier et Niquet ont grandi), se cachent trois gars brillants qui manient le deuxième degré avec brio. Comme c'est souvent le cas dans des équipes tricotées serré, le premier termine la phrase du second qui reprend l'idée du troisième.

Des trois, c'est Jean-Philippe Pleau qui est, au départ, le véritable gars de radio. Outre Macadam tribus, il a travaillé à 275-Allô et s'apprête à réaliser une série sur le désir animée par l'anthropologue Serge Bouchard. Diplômé en sciences politiques, Jean-Philippe Wauthier a déjà écrit des discours à Développement économique Canada durant ses études et s'apprête à faire la revue de presse à l'émission du matin les week-ends, toujours sur la Première chaîne. Quant à Olivier Niquet, détenteur d'une maîtrise en urbanisme, il est l'âme du site web du Sportnographe.

Parallèlement au blogue du Sportnographe, Wauthier et Niquet avaient fondé un autre blogue, Cent papiers, consacré au journalisme-citoyen. Ils ont dû l'abandonner il y a deux ans, par manque de temps. «C'est sûr que lorsque tu meurs, tu aimerais qu'on se souvienne de toi comme de celui qui a développé une voix citoyenne plutôt qu'un blogue qui rit des tribunes sportives, souligne Jean-Philippe Wauthier. Mais bon, c'est comme ça....»

Cette préoccupation citoyenne est toutefois présente dans le travail du trio. L'an prochain, Le Sportnographe élargira d'ailleurs son propos afin de dépasser les frontières de la patinoire du CH. «On est intéressés par la critique sociale de l'actualité, expliquent les concepteurs-animateurs. Un jour, on aimerait bien faire une émission de télévision dont la formule ressemblerait à celle de Jon Stewart ou de Stephen Colbert (NDLR: deux émissions-phares qui critiquent l'actualité américaine et qui sont des références auprès de la génération des 20-30 ans aux États-Unis.).»

En mai dernier, le collègue Hugo Dumas, parlant d'un possible avenir télévisuel pour Le Sportnographe, écrivait que le trio était pressenti pour animer un bulletin d'informations sportives commenté qui ferait suite au Téléjournal de Céline Galipeau. Le Sportnographe, quant à lui, ne déboulerait en ondes que les vendredis.

Rien de tout cela n'a encore été confirmé. En attendant, leur incursion dans l'univers télévisuel se fait, lentement mais sûrement, avec la réalisation de capsules pour l'émission Infoman et pour les émissions consacrées à la Coupe du monde de soccer.

«Dans ce milieu-là, tu peux facilement te casser la gueule, observe Jean-Philippe Pleau. Ça nous a pris au moins 20 émissions avant d'être à l'aise à la radio. À la télé, c'est un autre métier, il faut que tu habites ton corps, c'est complètement autre chose. On ne veut pas brûler les étapes.»

«On n'est pas des gars de communication à l'origine et on n'a pas de plan de carrière, lance pour sa part Olivier Niquet. Moi, je ne me vois pas ailleurs que dans un projet du Sportnographe. Si ça ne fonctionne plus, je ferai autre chose.»

Combien on parie que les trois gars seront encore dans le paysage médiatique dans 10 ans?