«Depuis quelques années, j'ai arrêté d'aller à des auditions de pub, raconte Angelo Cadet. J'en ai marre de me faire proposer des rôles de Yo ou de chauffeur de taxi», raconte l'artiste d'origine haïtienne.

Angelo Cadet se dit peu surpris par les conclusions de l'avis du Conseil des relations interculturelles (CRI).

Même chose pour ses collègues Frédéric Pierre et Didier Lucien. Cette sous-représentation s'explique selon eux par une certaine fermeture du milieu. Et par une tendance à cantonner les acteurs issus des minorités visibles dans des rôles stéréotypés. En interview, les trois racontent essentiellement la même anecdote concernant les chauffeurs de taxi. Sans même que l'intervieweur n'ait soulevé la question.

 

«Ça fait quatre ans que je n'ai pas passé d'auditions, lance Didier Lucien. Quatre ans, à part peut être pour L'âge des ténèbres. C'est parce qu'on me propose toujours les mêmes rôles qui ne m'intéressent pas. Ce sont des rôles sans incidence et sans substance, qui se résument par ''le Noir'' et ''l'ami de''. Une chance que j'ai les voix (doublage et narration) et mon émission à Vox. Sinon, je ne sais pas comment j'arriverais», lance-t-il.

Une tendance

Frédéric Pierre déplore la même tendance. «Quand on me propose un rôle, je veux que ce soit celui d'un homme de 30 ans. Pas celui d'un homme noir de 30 ans. Je veux que mes personnages puissent être joués par un acteur blanc, sans que l'histoire ne parle de racisme ou de choses du genre. Mais bon, je me considère personnellement chanceux, ma carrière va bien.»

D'autres le sont moins. Pour le constater, Angelo Cadet lance un défi. «Nommez cinq comédiens noirs qui jouent dans un téléroman. Seulement cinq. Il n'y en a presque pas. C'est grave, très grave.» Comme les communautés culturelles se sentent moins représentées à la télévision québécoise, elles l'écoutent moins, soutient Didier Lucien.

Les chiffres du sondage Léger Marketing du CRI lui donnent raison. Une proportion de 46% des «Québécois issus de la diversité culturelle» regardent les chaînes francophones canadiennes pour se divertir. C'est presque deux fois moins que le reste de la population (81%).

Même phénomène pour l'information. Une proportion de 52% des «Québécois issus de la diversité culturelle» regardent les chaînes francophones pour s'informer. Dans le reste la population, la proportion est de 84%.

Que faire pour augmenter la représentativité? Angelo Cadet s'oppose aux quotas. «Je ne veux pas qu'un réalisateur m'engage seulement pour remplir des obligations», lance celui qui avoue s'être déjà fait traiter de «voleur de job sur des plateaux». Et pour la qualité de la représentation? «Par exemple, la meilleure façon d'intégrer une femme latino dans une télésérie, ce serait de la mettre en couple avec un Québécois de souche, avance Frédéric Pierre. Sans que ça ne devienne un sujet.»