Le documentariste d'origine haïtienne Ronald Boisrond se souvient encore de son enfance à Montréal-Nord durant les années 1970. Lundi, lors d'une conférence de presse à Montréal pour la présentation de son plus récent documentaire, M. Boisrond a raconté qu'une Québécoise lui avait un jour donné un bonbon. Pourquoi? Parce qu'une personne noire à Montréal-Nord représentait alors un événement spécial.

Mais 30 ans plus tard, il constate que l'image des Noirs est plutôt mauvaise. Et pour cause, alors qu'ils ne représentent qu'un pour cent de la population québécoise, les Noirs comptent actuellement pour près de 40 pour cent de tous les détenus à la prison de Bordeaux, a-t-il souligné lundi.C'est dans cette optique que le documentaire La couleur du temps, qui sera diffusé le 12 octobre sur Canal D, abordera l'image des Noirs, et plus particulièrement celle des jeunes noirs, en expliquant comment elle a pu devenir aussi négative en moins de 30 ans.

M. Boisrond et le psychologue-criminaliste Emerson Douyon, également présent à la conférence de presse de lundi, se sont montrés plutôt réticents à qualifier les Québécois d'origine canadienne française de xénophobes. Les deux hommes ont cependant pointé du doigt un système qui tend souvent à la discrimination.

Par exemple, les parents de jeunes noirs sont plus souvent dénoncés au Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) que ceux de jeunes blancs. Et parfois, que pour une question de contenu de boîte à lunch.

Quoi qu'il en soit, Ronald Boisrond a affirmé qu'il était grand temps que les Noirs «prennent leur place» au sein de la société québécoise.

M. Douyon, qui travaille pour la Commission des droits de la personne, a abondé dans le même sens et ajouté que les Noirs devaient «se défaire de leurs réflexes minoritaires».

Il a évoqué à titre d'exemple la méfiance qu'ont les jeunes noirs à l'égard des policiers ou des autres citoyens qui remarquent certains de leurs traits, comme leurs vêtements, leur démarche ou la manière de parler.

En ce qui concerne les moyens pour y parvenir et pour améliorer l'opinion publique sur les Noirs, les deux hommes se sont entendus sur deux conditions indispensables: une meilleure solidarité au sein même de la communauté noire et l'émergence d'un certain pouvoir économique.

À cet égard, ils ont évoqué la communauté juive en tant qu'exemple à la fois de solidarité et de réussite sur le plan économique, et ont ajouté que bon nombre de jeunes noirs rêvent de gérer leurs propres entreprises et de réussir en affaires.

Aussi présent pour l'occasion, le commandant du poste de quartier 30 du Service de police de la ville de Montréal, Fady Dagher, a quant à lui déploré le manque d'emplois d'été pour les jeunes dans son quartier, celui de Saint-Michel. Selon lui, les jeunes sont alors plus susceptibles de traîner dans la rue, d'avoir des profils de membres de gang de rue et d'être recrutés par une des ces organisations criminelles.

Il a cependant souligné le travail effectué à cet égard par la communauté et les autorités municipales. Par exemple, un centre commercial devrait bientôt ouvrir ses portes dans le quartier Saint-Michel et dont 50 pour cent des emplois seront occupés par des résidents de l'arrondissement Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension.