Chaque semaine, La Presse présente un repaire culturel méconnu du grand public qui contribue à l'effervescence de la métropole. Aujourd'hui: La Chapelle.

C'est quoi? Une église évangélique dont les pasteurs hipsters célèbrent leur foi dans des messes musicales, qui se tiennent tous les dimanches au Rialto.

En quoi ça sort du cadre? Baptêmes électro, vidéos léchées partagées sur Vimeo et compte Instagram bien garni: La Chapelle utilise tous les outils de son époque pour propager son message.

Situés en plein coeur du Mile End, les bureaux de La Chapelle ressemblent plus à ceux d'une agence de pub à la mode qu'à un sous-sol d'église. Cette communauté protestante de 1200 âmes a une particularité: elle vibre au son de la musique de Sébastien Corn et des autres artistes qui se produisent lors de messes organisées tous les dimanches sur la scène du Rialto.

Auteur-compositeur-interprète de 35 ans, Sébastien Corn a été élevé dans la foi protestante. Il y a 13 ans, il a décidé de quitter sa France natale, baccalauréat en musicologie en poche, pour s'installer avec sa femme au Québec et embrasser sa vocation: devenir pasteur.

En 2013, Sébastien a rejoint les rangs de La Chapelle et de ses pasteurs hipsters où il agit en tant que directeur de création de cette église évangélique qui prône l'expression de Jésus-Christ dans la société du XXIe siècle.

«Les pasteurs y sont très dynamiques et jeunes. Il faut arriver à articuler sa foi de manière contemporaine, non clichée et d'une manière assez pratique. Le fondateur de La Chapelle, David Pothier, était pasteur sur la Rive-Sud et il a décidé de démarrer une église à Montréal. Au début, c'était une quinzaine de personnes et aujourd'hui, il y a environ 1200 personnes dans notre congrégation», affirme Sébastien Corn.

Conjuguer art et foi

Parmi les fidèles, dont la moyenne d'âge est de 32 ans, on retrouve une grande proportion d'artistes. «Il y a des musiciens, des danseurs, des peintres et des doctorants en art», précise le pasteur et membre du groupe Impact, qui conjugue au quotidien son attachement à la religion et sa passion pour la musique.

«Pour nous, l'art n'est pas parallèle à la foi, mais intégré à celle-ci. On se demande comment on peut contribuer à Montréal artistiquement en tant qu'église et le spectacle de Noël en est un parfait exemple.»

«Quand on regarde l'histoire, il n'y a presque aucune trace de musique profane avant le XVIIIe siècle. Jean-Sébastien Bach était musicien à la cour du roi, mais aussi pour l'Église. Le culturel était lié et surtout financé par le religieux. L'Église a toujours eu une connotation artistique pour moi. C'est un milieu peu connu, mais de belles choses s'y font», rappelle-t-il.

Sébastien Corn revient tout juste d'une tournée en Europe qui a pris fin à Paris, où il a joué à guichets fermés avec son groupe à La Cigale.

«Cinq des huit musiciens d'Impact font partie de La Chapelle. Notre musique est beaucoup jouée dans les églises de la francophonie. On est en nomination aux Gospel Music Association Awards canadiens en janvier prochain dans trois catégories, dont groupe de l'année», précise Sébastien.

Un spectacle de Noël

En plus des messes organisées les dimanches au Rialto, où 50 musiciens et chanteurs se succèdent sur scène, La Chapelle organise chaque année un spectacle de Noël multidisciplinaire à grand déploiement à la salle Marguerite-Bourgeoys. Présenté le week-end dernier, Il était une fois a réuni 125 artistes de tous les horizons afin de raconter de manière originale l'histoire de la Nativité.

Directeur artistique chez Ubisoft, Sébastien Primeau s'est glissé pour l'occasion dans la peau du «maître des histoires», chargé de raconter l'histoire de Noël à une petite fille.

«J'ai toujours rêvé d'être comédien. J'ai fait de l'impro et du théâtre et je me suis impliqué dans les spectacles de Noël de mon ancienne église. C'était naturel pour moi de participer à celui de La Chapelle», explique Sébastien Primeau, qui a planché depuis le printemps dernier sur l'écriture d'Il était une fois.

Aujourd'hui âgé de 40 ans, il a rejoint la paroisse avec sa femme dès son ouverture, en grande partie en raison de la place de choix accordée à l'art.

«Je suis une personne très créative et je sentais que c'était très présent à La Chapelle. On a tendance à dire que la musique chrétienne, c'est plutôt du country ou de la musique qui n'est pas de qualité. Mais quand j'écoute Sébastien [Corn] et son groupe le dimanche, je me retrouve face à de vrais artistes», lance-t-il.

Sébastien Primeau n'est pas le seul à s'être laissé séduire par la créativité de La Chapelle. C'est aussi le cas d'artistes comme Sylvain Ramseier, circassien pour le cirque Éloize, et de Catherine Ouimet, chanteuse et directrice artistique du spectacle de Noël. «Je m'épanouis vraiment dans une église qui prône l'art. Je n'en connais pas beaucoup qui poussent cet aspect aussi loin», observe la jeune femme de 24 ans, diplômée en chant classique, qui est sur le point d'amorcer une formation de deux ans à la Randolph Academy for the Performing Arts de Toronto.

«Il y avait beaucoup d'artistes quand La Chapelle a commencé, ce qui a bien entendu attiré d'autres artistes. Et, bien entendu, cela a fait se développer encore plus le volet artistique de l'église!»

Au cours des prochaines années, La Chapelle envisage de produire elle-même de la musique. Mais l'église ignore encore s'il s'agira d'artistes chrétiens en général ou de musique uniquement liturgique. Et dès janvier, des messes créatives verront le jour en partenariat avec l'église Saint-Jean-Baptiste. 

«C'est un peu dans l'idée des Creative Mornings de Cossette. L'objectif est de rassembler des artistes chrétiens de Montréal et d'avoir des soirées de réflexion tout en présentant des moments liturgiques musicaux alternatifs, peut-être plus rock», conclut Sébastien Corn.