La position de Louis Morissette, qui croit qu'on devrait pouvoir engager un comédien blanc pour jouer le rôle d'un personnage noir, crée de nouveaux remous, allant jusqu'à faire réagir des membres de la classe politique.

Dans un texte récent publié dans le magazine Véro, le producteur du Bye Bye a affirmé qu'il en avait marre qu'une poignée d'«experts sociaux» aux intérêts multiples aient une grande influence dans les sphères décisionnelles. Il compare certains à des «moustiques qui piquent, picossent et bourdonnent jusqu'à te rendre fou au milieu de la nuit».

Hier, ces «moustiques» ont répliqué. Des membres influents de la communauté noire, des politiciens et des centaines de citoyens ont signé une pétition en ligne dénonçant la chronique de Louis Morissette.

La présidente de l'organisme Québec inclusif, Émilie Nicolas, s'est sentie interpellée et indignée par ce texte.

«Le blackface, on ne veut plus que ce soit matière à débat. Il faut que le Québec arrive en 2016 et que cette pratique, qui est inacceptable partout en Amérique, soit inacceptable ici aussi.»

«Le débat dépasse Louis Morissette en sa personne, ajoute Émilie Nicolas. C'est vraiment le contexte dans lequel ces déclarations s'inscrivent. Beaucoup de créateurs issus de la diversité ont de la difficulté à percer au Québec. Quand on les représente, c'est souvent sous forme de caricature, ou même en engageant des acteurs blancs pour jouer leurs rôles. C'est vraiment ajouter l'insulte à l'injure», dit celle qui a créé un groupe Facebook baptisé «Les moustiques» pour réagir à la controverse.

Des politiciens se joignent au débat

La pétition, qui restera en ligne tout au long de février - le Mois de l'histoire des Noirs -, a également été signée par des représentants de la classe politique, dont le député de Mercier pour Québec solidaire, Amir Khadir.

«L'idée n'est pas de blesser M. Morissette, mais de [lui] faire comprendre que la notion de blackface ne relève pas de la liberté de création. [Affirmer le contraire] est une erreur fondamentale. C'est mal connaître son histoire. [...] Il faut en prendre acte et l'accepter. [La sous-représentation des communautés culturelles] est un problème structurel qu'il faut régler», affirme le politicien.

À l'hôtel de ville de Montréal, Valérie Plante, conseillère d'arrondissement de Projet Montréal et vice-présidente du conseil municipal, se sent aussi interpellée.

«Ça fait longtemps que les communautés culturelles et la communauté noire du Québec travaillent pour avoir une meilleure représentation, mais ça [tourne en rond]. Moi, je me fous de Louis Morissette. Je ne veux pas personnaliser le débat. Mais tout le monde doit se préoccuper de la question de fond qui est soulevée», affirme-t-elle, même si la pétition réclame au passage des excuses de l'artiste.

«Je suis beaucoup shaké»

Face à ce tollé, Louis Morissette est ébranlé. «Je vais me tenir droit et assumer tout ce que j'ai écrit, mais je ne peux quand même pas assumer les résumés qu'on a faits de mon texte. Quand je me fais envoyer des tweets comme quoi je suis un sale raciste, je t'avoue que dans la catégorie des insultes qui peuvent me faire plier les genoux, c'est dans mon top 3», affirme-t-il à La Presse.

«Est-ce que je me suis mal exprimé? Peut-être. Ceci dit, je n'ai jamais dit que je ne voulais pas engager des Noirs. Ce n'est pas mon point. Parce que là, environ 80 % des messages que je reçois, c'est "tu ne veux pas engager des Noirs", "tu es pour le blackface" et "nous sommes [à tes yeux] des moustiques". Ces trois affirmations sont des raccourcis qui n'ont rien à voir avec ce que j'ai dit.»

L'artiste ajoute qu'il n'a jamais voulu viser les Noirs en utilisant l'analogie des «moustiques».

«L'expression "les moustiques" n'était pas dirigée vers les Noirs, mais vers plein de choses.»

«Aujourd'hui, tout le monde a sa cause. Quand tu fais de la parodie, tu dois dribler avec tellement de balles que tu te dis: voyons, on va faire quoi tout à l'heure? Mon papier portait sur l'importance qu'accordent les patrons à l'opinion d'une ou deux personnes sur les réseaux sociaux», réitère Louis Morissette.

«J'ai peut-être commis une erreur en utilisant l'exemple du blackface. Le sujet est clairement trop sensible et épidermique. J'aurais dû m'abstenir», convient-il.

Extrait de la chronique de Louis Morissette dans le magazine Véro

«Après six Bye Bye, ne perdez pas votre temps à m'écrire pour m'expliquer le blackface. Je sais très bien ce que représente cette pratique. Sauf que je vois une différence majeure entre se déguiser en Africain pour rire de son origine, son intelligence ou son statut social, et se moquer de cette personne pour ses actions.»

«En exigeant un traitement différent pour une communauté, on la ghettoïse. Qu'elle soit noire, asiatique, homosexuelle ou paraplégique, n'importe quelle communauté mérite de faire partie du groupe. Le rire et l'autodérision sont les symboles ultimes de l'inclusion et de l'esprit de corps. Quelle sera la prochaine étape? Nous devrons avoir une troupe comprenant un Noir, un blond, une Autochtone, une femme ronde, une personne handicapée, un sexagénaire chauve pesant moins de 180 livres?», a-t-il ensuite enchaîné.