Le chef d'orchestre suisse Charles Dutoit, visé par plusieurs accusations publiques de harcèlement sexuel, dirigera un concert de l'Orchestre National de France dimanche à Paris, un «coup de poignard» pour une de ses victimes présumées.

Fin 2017, l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM) avait ouvert une enquête interne à la suite de plaintes pour harcèlement sexuel contre son ex-directeur artistique (1977-2002), une enquête refermée un an plus tard sans avoir apporté de preuves concluantes contre le chef d'orchestre.

L'intéressé avait qualifié les accusations de «choquantes».

M. Dutoit, 82 ans, a été invité pour diriger La Damnation de Faust de Berlioz à la Philharmonie de Paris, en remplacement du Français Emmanuel Krivine, souffrant, selon Radio France, qui organise le concert.

Contactée par l'AFP, Radio France a expliqué que cette oeuvre complexe nécessitait «un chef expérimenté»

«Sur l'ensemble des chefs contactés, Charles Dutoit était à même de porter la réussite artistique de ce concert tout en étant disponible dans ces courts délais», a indiqué la radio, précisant que la décision a été prise «après consultation des musiciens de l'Orchestre national de France, du Choeur de Radio France et du quatuor de solistes».

La soprano Anne-Sophie Schmidt, une des accusatrices de M. Dutoit, s'est indignée de cette invitation «déplorable».

«J'apprends avec un certain écoeurement que M. Dutoit vient d'être engagé [...] alors même que 8 artistes dans le monde ont eu le courage de le dénoncer pour harcèlement sexuel», écrit-elle sur Facebook.

«C'est un coup de poignard au regard de la défense des violences faites aux femmes [...] d'engager un homme qui n'est pas digne de confiance et qui échappera à la justice grâce à la prescription des faits», a-t-elle ajouté.

Il y a un an, elle avait affirmé au Journal de Montréal avoir été agressée en 1995. «Il m'a poussée contre le mur et m'a embrassée de force. Je me suis débattue», avait-elle raconté, affirmant connaître «plein de collègues à qui il est arrivé ce genre de choses et qui n'osent pas s'exprimer».

À la suite des accusations, au moins cinq grands orchestres philharmoniques avaient décidé de mettre fin à leur collaboration avec le maestro suisse.

M. Dutoit avait quitté son poste à l'OSM en 2002 après avoir été accusé par plusieurs musiciens d'être un «tyran» capable de «cruauté mentale», selon la presse canadienne.