L'Orchestre philharmonique de New York consacre depuis lundi une semaine à Olivier Messiaen, l'un des grands compositeurs du 20e siècle, passant en revue quelques-unes de ses oeuvres les plus célèbres.

Fervent catholique, inspiré par les chants des oiseaux et par des rythmes éclectiques, Messiaen a marqué de son originalité la musique de son temps.

L'hommage que lui rend le Philharmonique ne coïncide avec aucun anniversaire de ce compositeur, pianiste et organiste français né en 1908 et décédé en 1992.

Le directeur musical sortant de l'institution new-yorkaise, Alan Gilbert, a décrit Messiaen comme l'un de ses héros personnels, en raison de sa capacité à atteindre une dimension spirituelle.

Alan Gilbert troquera d'ailleurs dimanche sa baguette de chef d'orchestre pour l'archet afin de tenir la partie de violon du Quatuor pour la fin du Temps, l'une des oeuvres majeures de Messiaen.

Composé par Messiaen en 1940, alors qu'il était prisonnier en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale, ce quatuor en huit mouvements s'inspire de l'Apocalypse de Saint Jean.

En harmonie avec son caractère d'un autre monde, l'oeuvre sera jouée dans le cadre du temple d'Isis de Dendour, édifice égyptien de la période romaine conservé au Metropolitan Museum of Art.

Le temple donne «cette impression d'être tout à fait conscient du temps mais aussi de complètement l'ignorer - d'être au-delà du temps -, et je pense que c'est le message de cette oeuvre», explique à l'AFP le pianiste israélien Inon Barnatan, qui la jouera dimanche.

Il s'est dit ému par le contexte dans lequel Messiaen a écrit l'oeuvre. «Toutefois, je pense que la musique, comme toutes les autres formes d'art, doit parler toute seule, sans l'histoire qui l'entoure», souligne-t-il. «Vous devez pouvoir regarder une peinture et être d'une certaine manière touché par elle sans avoir lu la plaque» explicative.

«La spiritualité s'est transcrite dans la musique. Ce n'est donc pas lié à une religion en soi, c'est plutôt l'idée que la religion tente de faire passer le sentiment de quelque chose de plus grand», estime le pianiste.

«Dans sa propre sphère»

Le Quatuor pour la fin du Temps est écrit pour piano, violon, violoncelle et clarinette, les quatre instruments dont disposait Messiaen au Stalag (camp de prisonniers) VIII-A à Görlitz, dans l'est de l'Allemagne.

Pour Carter Brey, premier violoncelle du Philharmonique de New York, le compositeur français est parvenu à communiquer «une sorte de passion qui est complètement non-sexuelle».

«C'est une oeuvre musicale très étrange. Elle ne ressemble à rien qui ait été produit avant ou après. Elle semble flotter dans sa propre sphère», dit-il.

Jeudi, l'orchestre au grand complet présentera une autre oeuvre majeure de Messiaen, la Turangalîla-Symphonie. Avec des touches de râga, cadres mélodiques utilisés dans la musique classique indienne, et l'utilisation d'ondes Martenot, un instrument de musique électronique du début du 20e siècle, l'oeuvre s'éloigne des tonalités occidentales classiques.

Lorsqu'il enseignait au Conservatoire de musique de Paris, Messiaen a eu dans sa classe d'analyse musicale mondialement réputée de nombreux élèves dont Pierre Boulez, compositeur et chef d'orchestre qui dirigera d'ailleurs le Philharmonique de New York de 1971 à 1977.

La Turangalîla-Symphonie a été jouée pour la première fois en 1949 par l'Orchestre symphonique de Boston sous la direction de Leonard Bernstein, qui sera lui aussi plus tard à la tête du Philharmonique de New York. Jeudi, elle sera conduite par le chef et compositeur finlandais Esa-Pekka Salonen.

Ce dernier dit avoir passé du temps avec Messiaen peu avant sa mort et raconte qu'on ne trouvait dans son appartement aucune autre musique que la sienne et aucun autre livre que la Bible.

«Sa musique sonne comme cela», a expliqué Esa-Pekka Salonen. «Elle surgit de nulle part et ne suit aucune règle établie de composition».