L'Opéra de Montréal ouvre sa 36e saison avec une nouvelle présentation de Madama Butterfly, de Puccini. Une production confiée au metteur en scène François Racine, qui se frotte de nouveau au célèbre opéra qu'il a monté à Ottawa il y a moins d'un an et demi.

«Puccini est l'un de mes compositeurs préférés, s'exclame François Racine. On me dirait: pour le restant de tes jours, tu vas monter La bohème, Butterfly et Tosca, et je répondrais: merci, mon Dieu!»

Douce peine pour celui qui dirigera ce «nouveau» Madama Butterfly de Puccini, présenté six fois par l'Opéra de Montréal depuis sa fondation en 1980 - la dernière production datant de 2008. Butterfly avait également été présenté gratuitement l'été dernier dans la Petite Italie, dans le cadre de la Semaine italienne. François Racine lui-même l'a monté en avril 2014 pour l'Opera Lyra d'Ottawa.

«La nouveauté, ce sont les interprètes et les voix», nous dit François Racine, émerveillé par la «fluidité» et la «dramaturgie musicale» de Puccini. «Si on fait confiance à cette musique-là et qu'on la laisse nous diriger, on peut jouer toutes les émotions», affirme-t-il.

La scénographie sera également différente de celle de la production de l'Opera Lyra d'Ottawa, promet le metteur en scène, qui avait alors imaginé une «boîte» dans laquelle il avait représenté un «intérieur japonais». Un résultat qui, de son propre aveu, n'était «pas très réussi».

«Ici, je travaille avec un décor existant, dit-il, qui représente toujours un intérieur, mais qui répond beaucoup mieux aux éclairages. Cela me permet de créer des images intéressantes.»

C'est l'Orchestre Métropolitain (OM), dirigé par l'Américain James Meena, qui sera dans la fosse. Il sera épaulé par un choeur d'une trentaine de chanteurs.

L'histoire d'une geisha

Madama Butterfly, inspiré de la pièce de David Belasco, fait le récit d'une geisha de 15 ans, Cio-Cio-San («papillon», en français), qui tombe amoureuse d'un jeune officier de la marine américaine, Pinkerton, de passage au Japon. L'action se déroule à Nagasaki en 1904. La jeune femme renie sa famille et ses ancêtres pour épouser son bel Américain, qui s'unit à elle par pure distraction avant de finalement la quitter.

L'interprète du personnage de Butterfly, la soprano Melody Moore, qui a joué dans de nombreux opéras de Puccini (dont La bohème, Manon Lescaut, Tosca et La rondine), n'a pas tout à fait le profil de la délicate geisha. Qu'importe, la soprano de 1,78 m estime qu'il faut d'abord «savoir chanter Butterfly».

«La quintessence de Butterfly était Renata Tebaldi et elle n'avait rien d'une jeune et frêle geisha...», souligne-t-elle.

L'opéra de Puccini se passe beaucoup dans l'attente. La jeune Cio-Cio-San ne cesse d'espérer le retour de Pinkerton - qui est aussi le père de son enfant, même s'il ne le sait pas encore. Trois ans plus tard, notre officier reviendra au Japon, mais au bras de sa femme américaine, Kate. Lorsqu'il apprendra l'existence de cet enfant, il demandera à ce qu'on le lui «remette». Cio-Cio-San ne survivra pas à ce dénouement.

Melody Moore, qui chantera entre autres avec Antoine Bélanger et Demos Flemotomos (interprètes de Pinkerton; le premier, ce soir et le 22 septembre, le second les 24, 26 et 28), et Allyson McHardy (sa servante Suzuki) estiment qu'il s'agit de l'un des rôles de soprano «spinto» (terme qui fait référence à la puissance dramatique de la voix) les plus importants de la scène lyrique.

«C'est la plus longue partition, la plus orchestrée aussi: on chante presque tout le temps, dit Mme Moore. C'est très exigeant et plus physique qu'on pourrait le croire. Il ne faut pas oublier que Butterfly est aussi une mère. Il faut que la voix ait du poids et de la maturité. C'est pour ça que la plupart des interprètes n'incarnent pas Butterfly avant la fin de la trentaine et même la quarantaine. Je crois qu'il faut avoir fait du millage avant de pouvoir chanter cet opéra.»

Souligner l'impérialisme américain

François Racine en est à sa troisième mise en scène de Madama Butterfly. Comment sa lecture de l'opéra de Puccini a-t-elle évolué? «Je commence à sentir le poids de ce huis clos, répond le metteur en scène. Le personnage de Pinkerton est très politique: il symbolise l'impérialisme américain de l'époque, qui est à la limite du racisme. J'ai essayé de montrer ce côté-là, mais aussi le fait que Butterfly est prise dans un carcan culturel et religieux.»

Melody Moore compte bien traduire toutes les «couches de déception» vécues par son personnage, qui est finalement trahi par l'homme de sa vie. «J'ai eu la chance d'apprendre la partition de Butterfly l'an dernier à San Francisco parce que j'étais la doublure vocale de la soprano Patricia Racette, qui l'a chantée pour l'Opéra de San Francisco. J'ai pu l'observer sans pression et j'avoue que ça m'a beaucoup aidée!»

La soprano ne se le cache pas: elle espère déjà reprendre le rôle de Butterfly pour continuer d'être «nourrie» par ce personnage. «Je n'en ai pas fini avec elle!», lance-t-elle. Quel est son passage préféré de Madama Butterfly?

«Lorsque Butterfly dit à Suzuki: "Maintenant, aide-moi à m'habiller." Mon personnage sait que Pinkerton est de retour, mais elle ne sait pas encore qu'il est avec sa nouvelle femme. Elle veut remettre la robe qu'elle portait lorsqu'il est parti. Je lui demande de me mettre un peu de rouge sur les joues, mais aussi sur celles de mon fils, qui est maigre et malade parce qu'on vit dans la misère... C'est terriblement douloureux, mais j'adore ce passage.»

À la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts les 19, 22, 24, 26 et 28 septembre, à 19h30.