Ce week-end, le Centre d'arts Orford avait invité les médias à découvrir ses installations tout en assistant à deux concerts dans le cadre de son festival. Cela nous a permis d'être époustouflés par la jeune pianiste Anastasia Rizikov, bercés par le Studio de musique ancienne de Montréal et enchantés par un site convivial en pleine nature.

La première chose qui frappe en arrivant à Orford est l'atmosphère paisible des lieux, véritable refuge de verdure. De-ci de-là, entre les bâtiments à l'architecture démodée, on aperçoit des étudiants circulant avec un violoncelle. On apprendra qu'ils sont là pour participer à des cours de maître avec le réputé Laurence Lesser, et font partie des quelque 900 étudiants originaires d'une trentaine de pays qui visiteront l'académie musicale cet été. Ils résident sur place, ce qui est également possible pour les visiteurs.

À la russe

Pratiquement inconnue au Québec, Anastasia Rizikov, 16 ans, est née à Toronto. Elle étudie le piano avec sa grand-mère, Maia Spis, d'origine ukrainienne. D'une maturité étonnante pour son âge, elle possède les qualités qui font les grands pianistes: musicalité, virtuosité, maîtrise du son et personnalité. Il lui manque encore une véritable originalité, mais l'audace contenue que l'on sent bouillir derrière un respect pour l'enseignement qu'elle a reçu - dans la grande tradition russe - nous indique que cela viendra. Déjà, on constate qu'elle a quelque chose à dire sur le plan musical. À 16 ans, elle révèle amplement la compréhension des oeuvres et l'intelligence qui sont les préalables d'une pensée musicale personnelle.

Son jeu est intense, impétueux et lyrique. Sa fougue au clavier - qui, dans l'emportement, frise parfois la précipitation - contraste avec la candeur juvénile dont elle témoigne en s'adressant au public entre chaque pièce avec un charme attendrissant et des allures de poupée de porcelaine.

C'est lorsqu'elle parle que l'on se souvient de son jeune âge, lequel est vite oublié dès qu'elle retourne au piano, comme si de rien n'était, pour interpréter les oeuvres d'un programme d'une difficulté folle.

Après le 22e Prélude et fugue de Bach, qu'elle joue à la romantique, elle se lance dans la sonate Appassionata de Beethoven, suivie de La Campanella de Liszt, légère comme du sucre en poudre. En deuxième partie, on entendra la Sonate en do dièse mineur, op. posth. 80 de Tchaïkovski, et la Sonate no 2 en ré mineur de Prokofiev. Conclusion: une artiste charismatique et un talent explosif qui semblent guidés et encadrés avec doigté. On rêve à ce qu'elle deviendra dans deux, cinq ou dix ans, si ce précieux talent n'est pas gâché par trop de stress et d'ambition. Ne crions pas trop vite au triomphe: tout peut encore arriver.

À l'abbaye

Deux fois dans l'été, l'abbaye de Saint-Benoit-du-lac accueille un concert du Festival Orford. C'était le cadre idéal pour entendre le Studio de musique ancienne de Montréal, samedi après-midi. L'austère chapelle du monastère, bondée, résonnait de leurs voix raffinées. Une méditation dans les hautes sphères polyphoniques sur des oeuvres de Palestrina, Josquin des Prés et Allegri. Le fondateur du SMAM, Christopher Jackson, absent pour cause de maladie, était remplacé par Andrew McAnerney. Le second concert à l'abbaye, consacré à des cantates de Bach avec le jeune baryton Hugo Laporte, gagnant du Concours OSM 2014, aura lieu le 1er août.

Le Festival Orford se poursuit jusqu'au 15 août avec une riche programmation. Mentionnons, entre autres, les concerts de l'Orchestre de la Francophonie, des pianistes Charles Richard-Hamelin et Serhiy Salov, du violoniste Alexandre Da Costa, du Nouveau Quatuor Orford, de Stéphane Tétreault et de l'Orchestre national de jazz.