Une avant-première au Carnegie Hall à New York qui devait mettre en valeur un jeune compositeur a été annulée après que la direction de la formation musicale eut réalisé qu'on y entendait l'extrait d'un hymne nazi.

La New York Youth Symphony devait présenter la composition dimanche dans la prestigieuse salle de concert, mais la représentation a été annulée par la direction de l'orchestre. Celle-ci a expliqué qu'une telle référence musicale nécessitait davantage de discussions.

Personne n'a suggéré que le jeune compositeur américain d'origine estonienne Jonas Tarm, 21 ans, soutenait l'idéologie nazie. Celui-ci voulait utiliser cet extrait pour dénoncer les récents bains de sang en Ukraine. Mais la controverse a soulevé une question plus large encore: à quel point les artistes doivent-ils indiquer que les références aux chapitres les plus noirs de l'humanité sont là pour condamner et non pour cautionner?

La New York Youth Symphony, qui soutient les musiciens et les compositeurs de moins de 22 ans, a indiqué que M. Tarm n'avait informé la direction que la semaine dernière que sa pièce contenait un extrait de 45 secondes de Horst-Wessel-Lied, l'un des principaux hymnes nazis, banni en Allemagne et en Autriche.

L'orchestre symphonique a indiqué que la pièce de neuf minutes «aurait pu être un outil d'enseignement important pour nos étudiants», mais Jonas Tarm a refusé d'expliquer ses raisons pour l'utilisation de Horst-Wessel-Lied.

«Nous croyons profondément à la création libre de toute entrave. Mais avec la liberté vient la responsabilité, d'autant plus lorsque des jeunes sont impliqués», a-t-il poursuivi.

La composition, intitulée Marsh u Nebuttya, qui signifie «Marche vers l'oubli» en ukrainien, incorpore également l'hymne de l'Ukraine soviétique.

Au départ, il avait justifié sa création avançant qu'il s'agissait d'un hommage «aux victimes de la faim et du feu», reprenant un extrait du poème de T.S. Eliot Les hommes creux, écrit après la première guerre mondiale. Ensuite, Jonas Tarm s'est dit «déçu et confus» par le rejet d'une pièce «qui doit évoquer et non provoquer».

La symphonie est «consacrée aux victimes ayant souffert de la cruauté et de la haine, de la guerre, du totalitarisme et du nationalisme polarisant, dans le passé comme aujourd'hui», a-t-il indiqué dans un communiqué.

Le directeur-adjoint de l'association américaine la Ligue anti-diffamation, qui combat l'anti-sémitisme et le racisme, n'a pas souhaité porter de jugement sur la composition sans l'avoir entendue et a invité à réfléchir avant d'interdire une oeuvre d'art reprenant des extraits offensants.

«Je suppose que le New York Youth Symphony a fait cela en ayant de bonnes intentions. Mais je dirais également qu'en matière d'art, il faut réfléchir et être prudent avant de censurer», a-t-il déclaré à l'AFP.