L'OSM a parfois de bonnes idées. Par exemple, ces concerts à 19 h sans entracte. Une heure et demie de musique et, à 20 h 30, tout est fini. Si j'en juge par l'expérience d'hier soir, l'initiative attire un tout nouveau public, ce qui est souhaitable, mais un public qui ne connaît pas les habitudes du concert, ce qui est plus agaçant.

La formule est établie depuis longtemps et elle est idéale: on n'applaudit pas entre les mouvements d'une symphonie, d'un concerto ou d'une suite. Ce n'est pas par «snobisme», comme aiment le répéter certains et certaines. On retient ses applaudissements parce que l'oeuvre n'est pas terminée et que ces manifestations nuisent à la concentration et allongent indûment le concert.

Hier soir, l'auditoire a applaudi chaque mouvement de chacune des trois oeuvres au programme, c'est-à-dire onze fois. Pis encore, Kent Nagano s'est retourné quatre fois (!) en faisant un petit salut, ce qui invite à diverses interprétations... Yannick Nézet-Séguin a vite initié l'auditoire du Métropolitain au rituel élémentaire du concert en étendant discrètement le bras au moment opportun. Il n'a eu à le faire qu'une ou deux fois et son public a vite compris. Pourquoi Nagano ne suit-il pas cet exemple? Il est énervant, à la fin, d'entendre applaudir ainsi à tout bout de champ!

Cette situation est d'autant plus regrettable que les deux Mozart furent les meilleurs moments du programme. Cordes seulement pour la célébrissime Petite musique de nuit en entrée, orchestre augmenté de ses vents - et de ses deux clarinettes facultatives - pour la sublime Quarantième en sol mineur, à la fin. Partout, la coordination des archets est parfaite, ou presque parfaite, les nuances sont faites avec naturel, les bois sont lumineux, la plus grande clarté accompagne le déroulement polyphonique et l'exécution de presque toutes les reprises accentue le dramatisme de l'oeuvre.

La partie concertante du programme est destinée à un enregistrement. Avec le jeune Andrew Wan, l'un de ses deux musiciens alternant au poste de violon-solo, l'OSM enregistre cette semaine, lors de quatre concerts, une intégrale des trois Concertos pour violon de Saint-Saëns. Le troisième Concerto, le plus connu du groupe, était joué hier matin et hier soir.

Comme la semaine dernière, où la télévision était sur place, on a demandé au public de garder le silence, autant que possible. Or, en plus des applaudissements inutiles, on a entendu quelque chose tomber avec fracas au milieu de l'orchestre et bien des toux ont accompagné les passages les plus paisibles. De toute façon, presque rien de ce qu'on a entendu dans le concerto mérite d'être préservé pour la postérité. C'est d'ailleurs pour disposer du plus grand nombre possible de prises que, dans des cas comme celui-ci, on enregistre toutes les exécutions d'une même oeuvre.

Andrew Wan attaque son Saint-Saëns avec un vibrato beaucoup trop prononcé, les harmoniques où meurt doucement le mouvement lent lui donnent un peu de mal, et toutes sortes de petites imprécisions affectent l'ensemble du discours. Je ne lui reprocherai pas (comme d'autres) d'avoir la partition devant lui: ceci est un enregistrement. Il faut reconnaître aussi qu'il joue juste. Mais cela ne suffit pas. Ce Saint-Saëns manque de charme, d'envergure, de panache... bref, de tout ce qui en fait l'essence.

«Extraordinaire!» m'a lancé une dame qui a ensuite avoué... n'avoir jamais entendu le troisième Concerto pour violon de Saint-Saëns. Je lui réponds: écoutez Francescatti ou encore, dans les versions récentes, Renaud Capuçon.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Soliste: Andrew Wan, violoniste. Hier soir, Maison symphonique, Place des Arts.

Programme:

Sérénade no 13, en sol majeur, K. 525 (Eine kleine Nachtmusik) (1787) - Mozart

Concerto pour violon et orchestre no 3, en si mineur, op. 61 (1880) - Saint-Saëns

Symphonie no 40, en sol mineur, K. 550 (1788) - Mozart