Notre confortable et plus que centenaire Ladies' Morning Musical Club a été quelque peu ébranlé dimanche après-midi par un véritable enfer de dissonances, de doubles cordes violemment arrachées aux archets et de multiples bruits plus difficilement identifiables, tout cela, non pas pendant quelques minutes, mais pendant la moitié du concert.

Celui-ci dura exactement deux heures. Hormis l'entracte de 24 minutes et un peu de jeu entre les pièces, la musique occupait 90 de ces 120 minutes. De ces 90 minutes, 46, soit la moitié, étaient monopolisées par les deux nouveautés, soit le Trio de Schoenberg (19 minutes) et le Trio de Schnittke (27 minutes). On se serait presque cru à la SMCQ ou au NEM, cénacles où ces compositeurs figurent parfois.

Mais loin de moi l'intention de faire de la caricature. On n'a sans doute jamais entendu autant de musique «moderne» en un seul concert du LMMC. L'auditoire conservateur de la maison, un peu moins nombreux qu'à l'ordinaire (sans doute parce que certains avaient pris connaissance du programme), a écouté avec un intérêt évident ces oeuvres fort éloignées de ses menus habituels et a ovationné les vaillants musiciens qui venaient de les lui offrir. Bravo, donc, au Trio Pasquier pour son audace. Et bravo au LMMC de lui avoir donné carte blanche.

Le Trio Pasquier, de France, venait au LMMC pour la cinquième fois. Ce trio à cordes (violon, alto et violoncelle) n'a jamais déçu et, cette fois encore, a livré son programme entier avec le plus haut professionnalisme technique et musical. Quel réconfort, après les récentes déceptions Takacs et Wanderer.

Le Trio de Schoenberg, en cinq mouvements enchaînés (appelés un peu prétentieusement «parties» et «épisodes»), est une construction dodécaphonique extrêmement complexe, très difficile à mettre en place et exigeant un constant effort d'écoute. L'expérience fut des plus stimulantes... ce qui ne veut pas dire qu'on souhaite la revivre immédiatement! Le Trio de Schnittke est moins terrifiant. Composé pour le centenaire de la naissance d'Alban Berg, il contient de naïfs échos du Happy Birthday et emprunte au minimalisme d'obsédantes répétitions d'un même motif. Petit rappel historique: c'est au LMMC que Montréal entendit du Schnittke pour la toute première fois, en avril 1973, par le Quatuor Borodine. Notre vénérable institution était donc, déjà, à l'avant-garde!

Le Pasquier anima le Schoenberg et le Schnittke avec l'énergie et la fraîcheur d'un ensemble très jeune (ces musiciens sont pourtant nés dans les années 40) et apporta le même soin au reste du programme. Déjà joué en 1995 et d'origine incertaine, le bref Bach-Mozart d'entrée reste un sévère exercice d'école mais permit d'apprécier l'équilibre des trois instruments. Le Schubert (unique mouvement d'un trio inachevé) et le Beethoven (joué en dernier) offrent peu d'intérêt mais furent joués avec finesse. Le programme ayant beaucoup demandé à tous, de part et d'autre de la rampe, il n'y eut pas de rappel.

Quelques remarques, en terminant. L'orthographe «Schoenberg» (le «oe» remplaçant le «ö») fut adoptée par le compositeur lorsqu'il s'installa aux États-Unis et on doit la respecter. La notice biographique donnait Étienne Pasquier, le violoncelliste de l'ancien Trio Pasquier, comme le père du violoniste et de l'altiste actuels, alors qu'il s'agit de leur oncle. Ils sont les fils de Pierre Pasquier, altiste du premier ensemble et frère d'Étienne. On pouvait aussi lire que 1986 marqua le centenaire de Berg, pourtant né en 1885. Et le trio de Beethoven commenté n'était pas celui qui fut joué.

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TRIO PASQUIER - Régis Pasquier (violon), Bruno Pasquier (alto) et Roland Pidoux (violoncelle). Dimanche après-midi, Pollack Hall de l'Université McGill. Présentation: Ladies' Morning Musical Club.

Programme:

Prélude et Fugue en fa majeur, K. 404a (1782) - Mozart, après Bach

Trio no 1, en si bémol majeur, D. 471 (1816) - Schubert

Trio op. 45 (1946) - Schoenberg

Trio (1985) - Schnittke

Trio no 5, en do mineur, op. 9 no 3 (1798) - Beethoven