Avions, décalages horaires, répétitions, concerts, entrevues... La vie effrénée de Yannick Nézet-Séguin semble aussi réglée que celle d'un chef d'État. Voici, heure par heure, sa journée du 29 août, où il a dirigé un concert de l'Orchestre philharmonique de Rotterdam à Édimbourg, au lendemain d'une répétition à l'Opéra de Vienne. Essoufflant!

5h

Mon iPhone me réveille (j'ai essayé pendant quelque temps l'application Sleep Cycle, mais je trouvais ça trop déprimant à cause de mes résultats plutôt... décevants). Où suis-je? À Vienne où j'ai répété à l'Opéra d'État (Staatsoper) en préparation du Vaisseau-Fantôme de Wagner. Je dois partir à 5h45 pour Édimbourg où je dirige un concert au très important Festival d'Édimbourg, avant-dernier d'une formidable tournée avec mon orchestre de Rotterdam! Un premier café fait rapidement à la chambre (comme une grande majorité de la population, je ne peux fonctionner sans café). Douche. Départ hâtif (que j'abhorre). J'attrape une banane avant de franchir la porte.

5h45

Une voiture me conduit de l'hôtel à l'aéroport de Vienne.

7h45

Vienne - Londres

11h40

Londres-Édimbourg

Deux vols sans histoire, au cours desquels j'essaie de m'assoupir. Pas toujours réussi! Mais j'ai l'habitude. Durant le deuxième vol, j'abdique et décide de me mettre au travail: révision de la 6e symphonie de Mahler que je dirigerai dans quelques heures. Mes partitions me sont très personnelles, annotées, gribouillées... Elles ne me quittent jamais, surtout pas dans l'avion.

14h

Enfin une chambre... Mais avant de manger, je dois rencontrer une journaliste de la BBC pour une interview concernant le concert du soir au Festival et me reposer. J'adore Édimbourg et je connais déjà l'Usher Hall. La visite est trop courte cette fois-ci. Je n'irai pas marcher dans la ville ni profiter des installations de mise en forme et piscine, ce que je fais normalement l'après-midi d'un concert... Dommage! Je dois aussi garder du temps pour étudier la liste des demandes du réalisateur de l'enregistrement du concert du soir, de façon à bien utiliser le temps de répétition acoustique.

18h

Une voiture me conduit au Usher Hall, salle magnifique à l'image de la ville.

18h30

Répétition acoustique avec l'Orchestre. J'ai toujours du plaisir à les retrouver, surtout en tournée où ils sont joyeux, bien que très fatigués. Il faut dire qu'ils voyagent dans d'excellentes conditions. C'est l'avant-dernier concert d'une tournée de 12 jours durant laquelle nous offrons sept concerts: Amsterdam, aux Pays-Bas, Santander, en Espagne, San Sebastian, en Espagne (trois concerts différents dont le Requiem de Verdi avec l'un des meilleurs choeurs au monde, l'Orfeon Donostiarra), Édimbourg, en Écosse, et Grafenegg, qui est à Vienne ce que Lanaudière est à Montréal.

19h15

Je parle un peu avec les musiciens. Ils sont toujours fébriles avant le concert. Le personnel du Festival m'entoure. Je rencontre aussi le réalisateur et l'ingénieur du son pour l'enregistrement public. À ma loge, des gens viennent me saluer, ils sont venus, ils sont heureux, je le suis aussi. Le responsable de la régie veut savoir si je dirigerai de mémoire. Pas ce soir. Trop de partitions différentes dans la tête ces jours-ci...

19h40

Je m'habille et me recueille. Pour une rare fois, j'ai un peu d'avance: je mange une banane (vous l'avez compris, je ne peux vivre sans elles!) et j'ai une folle envie d'entrer sur scène!

20h

Concert: salle absolument comble, silencieuse, répondant intensément à cette musique incroyable qu'est la 6e de Mahler... Ovation interminable à la fin, avec même des applaudissements rythmiques, bruyants, en tapant du pied... Les Écossais eux-mêmes me disent qu'ils n'ont à peu près jamais vu une telle réaction dans ce festival!

22h

Puisque nous approchons de la fin de la tournée, l'Orchestre a organisé une petite fête (arrosée!) pour les musiciens. Après m'être changé, je me rends à la fête et prononce un chaleureux discours pour remercier tous ces brillants musiciens! Après leur avoir porté un toast, j'échange avec eux pendant quelques minutes.

22h30

Je quitte la salle pour un souper tranquille à l'hôtel en compagnie de Pierre, mon compagnon, et de mes agents Rona et Rupert. Un scotch whiskey est de mise...

Minuit

Je dois aller dormir car je reprends l'avion au petit matin pour continuer mes répétitions à Vienne... et je dois aussi décrire ma journée pour La Presse!!!