La pluie, d'abord. Ensuite, la perspective d'un récital vocal, sujet peu prisé des habitués du LMMC (mais il en faut au moins un par saison!). Il y avait donc moins de monde que d'habitude... et il en restait encore moins après l'entracte. On l'a constaté une fois de plus: à Montréal, le public du LMMC est le seul - nous répétons: le seul - qui montre un certain discernement devant ce qui lui est offert. Il est vrai qu'à 112 ans d'âge, le contraire serait plutôt désolant!

Le Club annonçait donc Christoph Genz, ténor allemand de 42 ans, dans un programme fort original: rien que des lieder de Schumann sur des poèmes de Heine et datant tous, sauf un, de 1840, la célèbre «année du lied» chez le grand romantique. Deux cycles complets, le premier Liederkreis (op. 24) et Dichterliebe, soit au total 25 lieder et autant d'états d'âme, encadraient trois lieder isolés dont Belsatzar op. 57, violente scène dramatique décrivant le blasphème du roi de Babylone.

Ce qui s'annonçait comme un extraordinaire Liederabend d'après-midi se solda par une sinistre déception. Le désarroi s'installe dès les premiers mots du premier lied: émergeant du piano qui la couvrait, la voix se révèle toute petite, nasillarde, toujours un peu fausse et finalement fort détestable. Au lieu de s'améliorer, la situation empire après l'entracte: l'instabilité de la voix frise désormais le demi-ton.

Le comble, c'est que le chanteur semble tout à fait étranger à ce qui se passe. On a envie de lui crier: «Vous ne vous entendez donc pas chanter faux?... Faux comme ce n'est pas possible?» Nichts... rien. Et la pauvre pianiste de continuer à égrener machinalement ses arpèges, telle quelque tranquille Marguerite au rouet.

Tout cela est bien dommage, car le chanteur, qui avait eu la bonne idée de ce Schumann-Heine et l'avait entièrement mémorisé, comprend parfaitement ce qu'il chante (ce qui n'est pas le cas de tous ses collègues!) et en traduit la signification avec toute l'expression et toute la force voulues. À la toute fin, il a d'ailleurs compris que personne ne souhaitait de rappel et il quitta les lieux sans en donner. Au fond, un bon garçon. Le problème, c'est sa voix, qui oblitère complètement ce qu'il veut nous dire.

Il y eut d'autres problèmes. Non pas tant le téléphone cellulaire qui se mêla au piano après le lied op. 142 nº 4, mais l'impossibilité, dans la quasi-obscurité, de suivre les traductions des textes allemands remises à l'entrée. Votre serviteur a dû aller lui-même, et par deux fois, demander aux responsables (terme bien choisi!) de monter un peu l'éclairage... ce qui prit une bonne demi-heure. Quelqu'un a finalement compris ce qu'on ne comprend pas encore à l'OSM en ce qui concerne la noirceur de la salle lorsque les paroles sont fournies.

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CHRISTOPH GENZ, ténor. Au piano: Cornelia Herrmann. Dimanche après-midi, Pollack Hall de l'Université McGill. Présentation: Ladies' Morning Musical Club. Programme: lieder de Robert Schumann sur des poèmes de Heinrich Heine.