Invité à se produire en récital au Bon-Pasteur, Tristan Longval-Gagné, pianiste de 23 ans et Prix d'Europe 2010, avait réparti son programme entre sept compositeurs. C'est beaucoup.

Présentant lui-même chaque pièce, le jeune homme dit avoir voulu établir un survol des compositeurs ayant le mieux écrit pour le piano. Bien qu'il y manquât au moins un très grand nom, Beethoven, son choix englobant 150 ans restait représentatif. Ses commentaires étaient simples, sans prétention, le fait de quelqu'un qui a beaucoup lu sur le sujet.

Il ouvrait son récital avec la plus ancienne des sept oeuvres, Andante con variazioni de Haydn, datée de 1793 (et non 1791, comme il l'a dit), et suivait l'ordre chronologique jusqu'à un certain point avec un Liszt de 1851, un Debussy de 1915, un Scriabine de 1907 et un Messiaen de 1944, puis revenait en arrière pour terminer avec un Fauré de 1884 et un Chopin de 1846.

Curieusement, les musiques les plus débridées sont celles qui lui vont le mieux : cinquième Sonate de Scriabine et Regard de l'Esprit de joie, 10e des Vingt Regards sur l'Enfant-Jésus de Messiaen. En plus du maximum de technique, les deux oeuvres requièrent la plus grande variété sur le plan de la sonorité. Scriabine multiplie les indications bizarres telles que «presto tumultuoso esaltato», «vertiginoso con furia», «con luminosità», créant ainsi un véritable climat de délire. Messiaen, quant à lui, appelle «danse véhémente» ce qui est chevauchée sauvage allant de l'extrême grave au suraigu perçant du clavier.

De chaque oeuvre, le jeune pianiste signa une réalisation pleinement convaincante. Tout ce que dit le texte était là, augmenté d'un bonheur évident à jouer cette musique. Il fit servir sa puissante vélocité à Wilde Jagd, la huitième Étude d'exécution transcendante, que Liszt prescrit «presto furioso», maintint l'égalité de jeu requise dans l'Étude pour les Tierces de Debussy et rendit avec émotion la partie centrale de la Polonaise-Fantaisie op. 61 de Chopin, malgré un piano au suraigu devenu un peu faux après avoir été quelque peu secoué par le Messiaen.

Deux déceptions : un Haydn d'entrée privé de toutes ses reprises, un quatrième Nocturne de Fauré pris trop vite et plutôt froidement. En rappel : Étude-Tableau op. 39 no 3 de Rachmaninov.

TRISTAN LONGVAL-GAGNÉ, pianiste. Jeudi soir, Chapelle historique du Bon-Pasteur.