Joshua Bell se produit à Montréal depuis plus de 20 ans, principalement comme soliste à l'OSM avec lequel il a d'ailleurs enregistré à l'époque Dutoit.

Comme technicien du violon, il reste irréprochable: il articule avec clarté, sa sonorité est toujours belle et on ne peut le prendre en défaut pour ce qui concerne la justesse. Il a aujourd'hui 43 ans. Il a atteint la maturité... en âge seulement. Comme musicien et comme interprète, il est demeuré au même niveau qu'autrefois: celui du sympathique adolescent, de l'élève très appliqué, du débutant très prometteur.

Si, dans un concours international sérieux, il avait joué comme il l'a fait hier après-midi, je ne suis pas sûr qu'il aurait eu le premier prix. Pour le violon, oui: 10 sur 10. Mais il n'y a pas que le violon.

En fait, Bell semblait tellement loin de l'essence des oeuvres qu'il n'y a pas, dans tout ce qu'il a joué, une seule mesure de musique qui m'inspire le moindre commentaire. Je sais, la salle Wilfrid-Pelletier est bien grande pour le récital. Mais ce n'est pas là la principale cause du malaise. Le Grieg ou le Brahms, le Brahms ou le Grieg: c'était la même chose. À la rigueur, je signalerai l'habileté avec laquelle Bell et son pianiste échangeaient les traits de virtuosité de l'étonnante Fantaisie de Schubert, qui faisait près d'une demi-heure.

Il était entendu que le programme serait complété sur place. Bell ne fit aucun effort pour présenter les pièces additionnelles en français comme en anglais, même que sa diction manquait de précision dans sa propre langue. Il joua trois pièces: Romance de Sibelius, Polonaise brillante de Wieniawski et arrangement d'un Nocturne de Chopin.

«Enjoy the show!» (sic) a lancé une voix anonyme au micro à 14 h 30. Environ 2000 personnes avaient répondu à l'appel, majoritairement des gens peu habitués au concert, venus du Violon rouge et autres cinémas, qui ont écouté dans un beau silence mais dérangé le déroulement des oeuvres en applaudissant machinalement après chaque mouvement. En fait, elles n'ont pas dérangé grand-chose...

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JOSHUA BELL, violoniste, et SAM HAYWOOD, pianiste. Hier après-midi, salle Wilfrid-Pelletier. Série classique de la Place des Arts. Programme : Sonate no 2, en la majeur, op. 100 (1886) - Brahms Fantaisie en do majeur, op. 159, D. 934 (1827) - Schubert Sonate no 2, en sol majeur, op. 13 (1867) - Grieg