Les événements qui se multiplient autour d'André Mathieu comprennent la première à Montréal - ville qui l'a pourtant vu naître et mourir - de son ambitieux quatrième Concerto pour piano, créé aux États-Unis il y a deux ans et repris ensuite à Paris.

Champion mondial du musicien québécois au destin tragique et présentement son seul interprète connu, Alain Lefèvre assurait cette création locale hier soir, avec Kent Nagano et l'OSM, dans une salle Wilfrid-Pelletier comble et éclairée de mille feux.La subite tempête de neige n'avait détourné personne de l'événement attendu, que deux équipes (télévision et radio) enregistraient pour diffusion lundi prochain, à 21 h, à Radio-Canada.

Le programme fut modifié sans avis. Disparues, l'ouverture de Beethoven et la création de Howard Shore, et remplacées par la suite Schéhérazade de Rimsky-Korsakov. Et encore, faut-il préciser que la reprise du Mathieu, ce matin même, est précédée de deux Mozart : l'ouverture de Don Giovanni et la Symphonie Haffner (la 35e) jouée dimanche dernier.

Au fond, tout cela importe peu. C'est le Concerto de Mathieu qui comptait, et il fut admirablement défendu. On sait que l'oeuvre fut reconstituée et orchestrée par Gilles Bellemare à partir d'un enregistrement privé de Mathieu jouant une réduction pour piano seul de son concerto. Selon les renseignements dont on dispose, les thèmes sont de Mathieu lui-même et l'encadrement orchestral est de Bellemare. Le résultat tour à tour tapageur et sentimental est un honnête sous-produit de Rachmaninov, dont le jeune Mathieu connaissait la musique.

On note avant tout que le soliste est sollicité presque sans répit. Dans l'enregistrement de la création (paru chez Analekta), Lefèvre prend 40 minutes. Hier soir, il en a pris 45, s'attardant un peu plus sur les épisodes rêveurs tout en déployant au maximum son habituelle et spectaculaire virtuosité. Nagano lui a fourni un accompagnement convenable et l'orchestre a bien mis en relief le beau travail de Bellemare.

Spectacle impressionnant et touchant : la foule a écouté la voix d'André Mathieu comme celle de quelque héros, à travers le piano de son interprète, pour faire ensuite à celui-ci une ovation à n'en plus finir.

Schéhérazade, qui occupait l'après-entracte, reçut de Nagano et l'orchestre une interprétation pleine de puissance et de couleur, malgré l'intrusion de nombreux «ritardandos» non indiqués. Plusieurs chaleureuses interventions des bois à signaler et, avant tout, celles du jeune violon-solo Andrew Wan, qui joue tellement mieux que son coéquipier Roberts!

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre : Kent Nagano. Soliste : Alain Lefèvre, pianiste. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série Air-Canada. Reprise auj., 10 h 30, série Matins symphoniques.

Programme :

Concerto pour piano et orchestre no 4, en mi mineur (1947-48) - André Mathieu, orchestration : Gilles Bellemare

Schéhérazade, op. 35 (1888) - Rimsky-Korsakov