La pluie et le froid automnal n'affectaient en rien le moral des musiciens de l'Orchestre Symphonique de Montréal (OSM), hier matin. Tout en s'entassant avec leurs instruments dans un autobus les menant à l'aéroport, ils semblaient tous excités comme des écoliers en voyage scolaire. Et pour cause, les projecteurs seront braqués sur eux ce soir à Guanajuato alors qu'ils donneront un concert marquant le début du festival Cervantino, l'un des plus prestigieux événements culturels du Mexique et même de l'Amérique latine.

«Être ambassadeurs et proposer ce que nous avons de meilleur, c'est toujours excitant, a lancé d'emblée hier, quelques heures avant d'atterrir en terre mexicaine, Jean-François Rivest, le chef invité qui dirigera l'orchestre. Les tournées sont la clé de la présence des orchestres à l'international», estime-t-il.

«C'est notre grande sortie de l'année!» ajoute pour sa part Mélanie La Couture, chef de l'exploitation de l'OSM, tout en rappelant qu'après l'Asie et l'Europe, il était tout naturel que la compagnie se tourne vers le Mexique et, par le fait même, vers le continent latino-américain.

Québec, invité d'honneur

Par ailleurs, à l'instar de l'orchestre, plusieurs autres artistes québécois occuperont l'avant-scène au cours de cette grande fête de la musique, de la danse, du théâtre et des arts visuels qui durera jusqu'au 1er novembre. C'est que les organisateurs de ce 37e festival ont jeté leur dévolu sur le Québec. Résultat: la Belle Province porte cette année le titre enviable d'invité d'honneur. Le Cirque Éloize, la troupe de Robert Lepage, Ex-Machina, le Théâtre sans fil, le Carrousel risquent eux aussi d'ajouter un peu de piquant à leurs performances puisqu'ils figurent tous, avec plusieurs autres artistes québécois, à la programmation du Cervantino auquel participe une vingtaine de pays.

La ministre québécoise de la Culture, Christine St-Pierre, fera elle aussi un saut à Guanajuato pour assister aux festivités et rencontrer ses homologues mexicains.

Et c'est l'OSM qui sonnera le début de la grande fête. Voilà 15 ans que l'orchestre ne s'est pas produit dans ce troisième pays d'Amérique du Nord. Le dernier spectacle en terre mexicaine remonte à 1994, alors qu'il avait joué à Guanajuato, également dans le cadre du Cervantino.

À l'occasion du concert d'ouverture d'aujourd'hui, la centaine de musiciens de la compagnie montréalaise interprétera Orion de Claude Vivier, suivi par le concert pour piano no 2 de Franz Liszt, en compagnie du pianiste Marc-André Hamelin. Ils boucleront le spectacle avec la présentation de The Planets de Gustav Holst.

Rappelons que l'orchestre a déjà cassé la glace avec ce concert, puisqu'il a été présenté dimanche dernier à Montréal.

Malgré tout, un mélange de nervosité et de fébrilité régnait hier avant l'arrivée en sol mexicain. D'abord, à peine quelques minutes avant le décollage, on tentait toujours de trouver une façon de faire entrer le tuba ténor dans l'avion. Après plusieurs tentatives, le musicien concerné a été contraint de se séparer de son instrument que l'on a rangé dans le compartiment à bagages. Autre inquiétude: l'administration des visas de travail. Jusqu'à 8 h 30 hier matin, il en manquait toujours quatre, racontait le directeur de tournée Sébastien Almon. Pour éviter une catastrophe, les services de quatre musiciens mexicains ont même été retenus afin qu'ils puissent remplacer les absents à pied levé. Mais à la dernière minute, les visas manquants ont finalement été émis, permettant à l'ensemble du groupe de s'envoler vers le soleil de Guanajuato.

Mais bien que cette jolie ville coloniale située au centre du pays, soit une destination vacances de choix, plusieurs musiciens, une fois arrivés à destination, n'avaient pas l'intention de laisser dormir leurs instruments dans les boîtiers jusqu'à la présentation du concert. «Il ne faut jamais oublier que nous ne sommes pas en voyage d'agrément, souligne Jean-François Rivest, qui n'a jamais dirigé l'OSM au Mexique dans le passé. La plupart des musiciens, lorsqu'ils débarquent de l'avion, vont directement pratiquer.»

D'ailleurs, les heures qui précéderont le spectacle d'aujourd'hui seront entièrement consacrées aux répétitions. Le chef veut également revenir sur certains passages du concert de dimanche à la Place des Arts afin de corriger les imperfections.

Pour le reste, Jean-François Rivest n'a aucun contrôle. Il ignore de quelle façon le public mexicain réagira. «Chose certaine, mentionne-t-il confiant, c'est une musique très spectaculaire qui fait applaudir.»

Mais le battage médiatique entourant la grippe H1N1, dont les premiers cas sont apparus au Mexique, jette-t-il de l'ombre sur ce voyage? Le chef craint-il de ramener le virus dans ses valises même s'il fait un séjour express de 48 heures au Mexique? Pas vraiment. Ces questions le font plutôt sourire. Rappelons néanmoins qu'à l'arrivée de l'orchestre à l'aéroport de Léon, située à une trentaine de minutes de Guanajuato, une machine, qui ressemble à un scanneur, avait été installée pour vérifier la température du corps des passagers qui venaient de débarquer. Une façon de vérifier si les visiteurs présentent des symptômes de la grippe. «Je suis du genre à rencontrer le loup quand il se présente, souligne pour sa part Jean-François Rivest. J'ai traversé la terre de Baffin avec mon sac à dos», raconte-t-il. Après les ours polaires, les glaciers et les crevasses, la fameuse grippe ne semble pas peser lourd dans la balance...