Bien qu'identifié surtout à la musique ancienne (il fut l'un des fondateurs du SMAM), Réjean Poirier avait consacré à l'orgue symphonique français le programme qu'il donnait dimanche dans la série estivale de la Basilique Notre-Dame.

Il s'était limité à deux oeuvres d'envergure: la Grande Pièce symphonique de Franck, qui faisait 30 minutes, et la cinquième Symphonie de Widor, qui en faisait 42. Choix logique, le Franck en trois mouvements ayant été à l'origine d'un genre, la «symphonie pour orgue», que Widor allait illustrer 10 fois.

 

À bientôt 60 ans, Réjean Poirier compte parmi nos musiciens les plus compétents et sa prestation fut à la hauteur de cette réputation. Oublions quelques petits accrocs: M. Poirier ne joue pas de façon régulière, l'orgue complexe de Notre-Dame exige une fréquentation suivie et l'humidité, là-haut, devait être pire encore que celle où baignait la nef.

Conscient que les deux oeuvres furent créées sur des Cavaillé-Coll, instruments dont s'inspire le Casavant de la Basilique, M. Poirier s'appliqua à retrouver l'image sonore de l'époque en respectant les changements de claviers et les nuances de dynamique que les deux compositeurs indiquent et en adaptant les jeux du Casavant à ceux qu'ils prescrivent.

L'organiste avait choisi des registrations très colorées, aux pittoresques effets d'écho et de voix céleste, très chargées aussi pour la fameuse Toccata finale du Widor, et son discours se déroulait sur des rubatos marqués mais toujours justifiés. Cette audace - pour résumer en un mot ce que nous avons entendu - transfigura le Franck trop souvent abordé lourdement et mit en relief tout ce qui caractérise le Widor: grandiloquence, sentimentalité, naïveté, intériorité même et... comique à la fois involontaire et réjouissant.

RÉJEAN POIRIER, organiste. Dimanche soir, Basilique Notre-Dame (orgue à traction électropneumatique Casavant (1890-1991); 92 jeux, quatre claviers manuels et pédale).