On ne peut reprocher à Angèle Dubeau ses efforts pour démocratiser la musique classique et faire connaître des compositeurs méconnus. Son spectacle Gargantua et autres plaisirs s'inscrit tout à fait dans cette logique de découverte et de partage.

Présentée dans le cadre du festival Montréal en lumière, la soirée, mettant en vedette son ensemble La Pietà et Albert Millaire, à la narration, était placée sous le signe de la légèreté et de la truculence. Gargantua oblige!

 

Le programme de près de 90 minutes, sans entracte, comportait une mise en bouche du compositeur argentin Alberto Ginastera, Pampanea no 1. Écrite pour violon et piano, annoncée dans le programme «pour violon solo» et jouée finalement par l'orchestre, la rhapsodie a été expédiée sans grande conviction.

Mieux interprétée, la suite Peacock Pie du compositeur britannique peu connu Armstrong Gibbs, valait la découverte. Inspirée de la poésie enfantine de Walter de la Mare, cette pièce en trois mouvements, d'une dizaine de minutes, offre magie et mélancolie, sans lourdeur, grâce notamment au jeu inspiré de la pianiste Marie-Ève Scarfone.

Puis, un ajout au programme: Strauss revu par Berg. Rien à redire de ce choix d'airs connus, destinés justement à plaire au public.

Jean Françaix

Mais la pièce de résistance demeure la musique du Français, évidemment, Jean Françaix. C'est là qu'Angèle Dubeau et son ensemble prennent leur véritable envol, aidé en cela par l'excellent Albert Millaire qui joue bien davantage qu'il récite.

Bref, L'heure du Berger pour orchestre à cordes et piano, une commandé passée au compositeur pour «rénover la musique de brasserie», et, surtout, Les inestimables chroniques du bon géant Gargantua représentent, en concert beaucoup plus que sur l'enregistrement d'Analekta d'ailleurs, un excellent remède à l'hiver et à la morosité ambiante.

Librement inspirée de Rabelais, la musique de Françaix est légère mais élégante, sobre mais inventive. L'interprétation de La Pietà est au diapason et même si Angèle Dubeau a tendance à cabotiner, ses faits et gestes cadrent parfaitement dans un spectacle empreint d'humour.

Si bien que les archets nous font glisser, en pensée, vers la situation politico-économique mondiale, pour ne pas dire américaine. On ne peut s'empêcher de repenser à un ancien président quand s'écrient Albert Millaire et Rabelais: «Comment pouvait-il gouverner les autres, alors qu'il ne savait pas se gouverner soi-même?»

Un bémol va toutefois au microphone mal ajusté d'Albert Millaire qui nuisait à la voix du récitant en début de parcours.