La réalisation, les arrangements, l'écriture des paroles et de la musique, en plus de jouer de presque tous les instruments: Salomé Leclerc a tout fait sur Les choses extérieures, son troisième disque qui arrive vendredi, quatre ans après le succès de 27 fois l'aurore.

On n'est jamais mieux servi que par soi-même? demande-t-on d'emblée à la très douée musicienne. Elle sourit. «La réalisation, c'était un défi que je m'étais lancé depuis longtemps. Sur le premier, je suis allée chercher de l'expérience, sur le deuxième encore plus, en coréalisant avec Philippe Brault. Mais je me l'étais dit en sortant du studio: le troisième, je le garde pour moi.»

Elle avoue cependant qu'elle ne pensait pas aller aussi loin «dans l'autosuffisance» - sur le disque, elle joue de la guitare, de la basse, de la batterie et du piano. «Avec le recul, je me suis demandé pourquoi. Peut-être que j'ai fait ça pour protéger la chanteuse et pour que la guitariste prenne moins de place. Je voulais que la voix soit en avant, pour que les gens, en écoutant l'album, aient l'impression que je leur chante presque dans l'oreille.»

Parité

S'il y a un débat qui a secoué le milieu de la musique québécoise depuis un an et demi, c'est bien celui de la parité. Elle l'a suivi de loin, mais on se demande si d'en mener aussi large était aussi une forme de démonstration.

«C'était un défi personnel à la base, mais c'est vrai que c'est venu me piquer. Inconsciemment, une partie de moi se disait: "Je vais y aller moi aussi, je suis capable de tout faire." C'est drôle parce qu'officiellement, ce sont deux filles qui jouent sur le disque: Mélanie Bélair, au violon, et moi. Cela dit, il y a eu bien des gars autour, très talentueux et très importants.»

Entre autres Antoine Corriveau, qui a assuré la direction artistique en se joignant au projet au moment où elle commençait à douter le plus. Et surtout Sébastien Blais-Montpetit, qui a fait la prise de son pendant qu'elle se promenait d'un instrument à l'autre. «J'arrivais le matin en studio avec la chanson, on discutait, et après on enregistrait les pistes.»

Son mandat était clair : tout enregistrer, question de capter «la petite magie» qui donne de la couleur.

«Le nettoyage de track, je ne veux pas ça. Je veux qu'on entende la chaise craquer, les oiseaux qui chantent la fois où on a laissé la fenêtre ouverte. Ça ajoute de la chaleur et une touche personnelle. C'est moins aseptisé.»

Salomé Leclerc écrit des textes courts et poétiques, souvent inspirés de mots ou de phrases qu'elle a retenus au hasard d'une lecture ou d'une visite au musée. Mais ce sont surtout des atmosphères qu'elle aime installer autour de ses chansons atypiques.

«La structure couplet-refrain-couplet, ça me donne des boutons. Parfois, dans une même chanson, on peut voyager d'un tableau à l'autre. La dernière du disque, par exemple, elle ne dure que deux minutes quarante, et il y a trois mondes dedans.»

Volonté de durer

Il y a deux ans, Salomé Leclerc a raconté dans le documentaire La musique à tout prix qu'elle s'était posé beaucoup de questions sur son avenir après la sortie de son disque 27 fois l'aurore, en 2014. «Je m'étais demandé si j'allais devoir me trouver un deuxième emploi en parallèle.»

C'est vers la sommellerie qu'elle se serait orientée, mais les choses ont débloqué et ça n'a pas été nécessaire - même si elle continue toujours à s'intéresser de près au vin. Avec la sortie de ce troisième album, Salomé Leclerc se sent maintenant attendue, et elle a l'impression d'être finalement sortie de la catégorie relève.

«On me demande d'être juge à Granby. Je regarde les groupes qui se présentent aux Francouvertes et je ne connais plus personne. Souvent, les artistes décident d'aller voir ailleurs après un ou deux disques. J'aurais pu faire ça. Mais je sens que j'ai traversé cette ligne et c'est l'fun. La ligne de la volonté de durer.»

Salomé Leclerc repartira bientôt en tournée et est bien contente de retourner sur scène, entourée de trois musiciens dont elle apprécie l'énergie.

«Il avait été question que je parte en tournée solo, mais une chance que non! Vous m'auriez perdue dans la brume.»

C'est qu'autant elle a aimé travailler dans une bulle close, autant elle est contente d'en être sortie. «Je pense que je recommencerais, mais pas pour le prochain. C'est quand même dur, et puis là, je suis rassasiée.»

Songe-t-elle à réaliser les albums d'autres artistes? «Je serais curieuse de l'essayer. Il faudrait que le projet me parle. Je sais que je ne l'approcherais pas de la même manière et que je le prendrais moins personnel. Probablement que je dormirais plus! Oui, j'aimerais ça, je pense.» Voilà, le message est lancé.

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Les choses extérieures. Salomé Leclerc. Audiogram. En vente vendredi.