Philippe Brach a dévoilé son troisième opus il y a une semaine. Un album apocalyptique, un brin nihiliste, teinté de l'espoir de l'artiste de voir notre société émerger de la haine et de l'ignorance.

L'illusion

La semaine passée, Brach nous a donné rendez-vous au studio Dandurand, l'endroit même où on le voyait en plein enregistrement de son nouvel album, accompagné de 2Frères, Paul Daraîche, Louis-Jean Cormier et Klô Pelgag, dans une vidéo promotionnelle qui en a laissé plusieurs dubitatifs. 

Troupeaux, une chanson d'un pop-folk très loin de l'oeuvre de Brach, est parue en même temps que la vidéo. «J'ai été surpris de voir comme les gens ont été respectueux et m'ont donné le bénéfice du doute», raconte Philippe Brach. Il avait annoncé une sonorité «plus accessible» pour l'album. De quoi piquer la curiosité et capter l'attention.

Finalement, tout était faux, comme l'avaient prédit certains admirateurs; de la chanson Troupeaux à la pochette, jusqu'aux prétendues collaborations. «Une illusion, affirme l'artiste. Le but de tout ça, c'était d'aller là où on ne m'attendait pas.» 

«Sans être prétentieux, je savais que l'oeuvre qui se cachait derrière la stratégie de promo était clairement plus significative et porteuse que la stratégie en soi.»

L'image

Le chanteur a donc misé sur «le léché, le gentil, le photoshoppé», pour ensuite démolir cette illusion parfaite avec une pochette d'album en totale opposition à cette image initiale.

Avec une représentation peu flatteuse du visage du chanteur, dans une transition entre l'homme et l'animal, Philippe Brach a voulu «canceller la notion de l'image, de l'ego». «C'est mon troisième album en un peu moins de quatre ans, explique-t-il. Ça fait beaucoup de ma face, de moi qui parle de moi.»

Les thèmes

Les textes de ses nouvelles chansons sortent également de cette introspection pour élargir la réflexion à la société. Le silence des troupeaux parle «d'amour raté et d'ignorance, de guerre et d'incompréhension».

La volonté de l'auteur-compositeur-interprète d'aborder de tels thèmes a découlé d'un constat simple: «Il y a des choses qui ne vont vraiment pas ben», affirme Brach.

«Je me disais que ça n'avait pas rapport de parler de racisme au Québec en 2017. Mais avec la montée des regroupements d'extrême droite qui n'ont aucun bon sens, [...] je me suis rendu compte que c'était totalement d'actualité.» 

Si Brach affirme maîtriser davantage sa façon de faire passer ses messages, il admet que le «côté brut» de son travail n'est pas moins présent. «Il reste des affaires qui sont botchées, en joual, dit-il. Parce que c'est ça qui est sorti et je veux que ça sorte au plus criss.»

La musique

Brach n'a jamais fait dans le jovial, ses sons folk sont toujours empreints de cette aura morose. Les sonorités de ce nouvel opus collent à son travail précédent, même si les orchestrations illustrent l'atmosphère «post-apocalyptique» qu'il a voulu créer. «C'était un point de non-retour, décrit-il. Une vie où on est proche de la fin de quelque chose... Et peut-être pas du début d'autre chose.»

Pour rendre en musique ce «point de non-retour», l'artiste s'est entouré d'un groupe disparate de musiciens. Jesse Mac Cormack, à la réalisation, a apporté une touche «plus roots, plus blues, pas trop lisse» aux chansons composées par Philippe Brach. La Controverse (Gabriel Desjardins), un ami d'enfance du chanteur, a fait des arrangements pour plusieurs dizaines de musiciens - une première pour lui. «Sur le deuxième album, il avait fait les arrangements pour quatre. Je lui ai dit: "Ajoutes-en juste 38!"»

L'ensemble vocal Kô et des choristes de l'École des jeunes de la faculté de musique de l'Université de Montréal ont prêté leur voix à plusieurs chansons. Un orchestre s'est joint à la fête pour un projet d'une envergure inédite pour Brach. «C'était du gros fun, de l'impromptu, de l'inattendu, se rappelle-t-il. J'ai la chance d'avoir les moyens de m'entourer des gens dont je veux être entouré et j'ai le privilège qu'ils embarquent dans ma folie.»

Quatre chansons commentées

Le silence des troupeaux

«J'aime commencer tous mes albums avec une toune instrumentale; ça met la table à ce qu'il n'y ait pas de table. Il n'y a aucun guide de compréhension dans cette chanson-là. [...] Je la trouve assez efficace pour ça, avec tout le côté cinématographique que ça apportait.»

La fin du monde

«C'est elle qui wrape up le mieux l'album, qui réunit les deux thèmes principaux. La fin du monde parle de deux personnes dans une atmosphère apocalyptique où il ne reste que l'amour. Ce n'est même pas la nourriture qui dérange qui que ce soit.»

La peur est avalanche

«C'est le plus proche que je vais faire d'une toune engagée. C'était un bon timing. Le genre de toune qui fait que l'album était dans l'urgence d'agir. Chaque semaine, il se passait des affaires et je me disais: "Ah criss, il faudrait que mon album soit sorti parce que c'est en plein en phase avec tout ça".»

Tu voulais des enfants

«C'est parti d'un buzz de Nat King Cole. Avec l'orchestre tout le long. Je voulais faire une toune Nat King Cole des pauvres. Ça parle aussi du fait que même si tu nais dans des conditions plus difficiles, ça ne t'empêche pas d'être un bon être humain. [...] C'est un autre type de chant aussi, je ne suis pas habitué à chanter comme ça, très doux. J'essaie des affaires des fois.»

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Philippe Brach lancera sa tournée Le silence des troupeaux le 10 février prochain. Il sera de passage à Montréal, au MTELUS, le 16 mars.

Folk. Philippe Brach. Le silence des troupeaux. Spectra Musique.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Avec une représentation peu flatteuse du visage du chanteur, dans une transition entre l'homme et l'animal, Philippe Brach a voulu «canceller la notion de l'image, de l'ego».