Le Matos, tandem tous claviers que forment Jean-Philippe Bernier et Jean-Nicolas Leupi, assume à fond sa propension à l'électro-pop des années 80, mais se défend bien d'en reproduire bêtement le style.

Le duo brille sous les projecteurs depuis que le film Turbo Kid, dont il a composé la musique, s'est attiré les éloges à Sundance en début d'année.

Lancé officiellement aujourd'hui, l'album double du Matos offre les 39 courtes pièces de la bande sonore de Turbo Kid, mais aussi neuf versions allongées.

La pop électronique des années 80, insistent d'abord nos interviewés, est une évocation sincère et non pas un projet de duplication. «Le film Turbo Kid imposait ce style musical, car tout leur cinéma s'en inspire. Lorsque j'ai fait la connaissance des réalisateurs [Anouk Whissell, François Simard et Yoann-Karl Whissell], à l'époque de leurs courts métrages, c'était déjà là. J'en ai tout de suite vu le potentiel: humour, qualité du scénario, références esthétiques», raconte Jean-Philippe Bernier.

«Par la suite, Jean-Nicolas s'est joint à l'équipe pour le montage sonore. Auparavant, nous travaillions ensemble au cinéma Paramount [devenu Banque Scotia]; la passion du cinéma nous avait connectés. Nous avons fini par former ce groupe.»

Autodidactes

Créatures de l'audiovisuel, Jean-Philippe et Jean-Nicolas n'ont pas étudié la musique. Avec le cinéma ou la télé, leur travail de compositeurs est fusionnel.

«Oui, je suis autodidacte, admet Jean-Nicolas Leupi. Je suis allé à [l'institut] Trebas pour y apprendre les techniques d'enregistrement et de sonorisation, mais j'ai appris seul la musique électronique, bien que l'école m'ait appris à maîtriser quelques logiciels de composition ou de production. J'avais auparavant étudié en communication, arts et lettres au cégep André-Laurendeau.»

Jean-Philippe Bernier a également suivi un parcours atypique. «Je n'ai aucune formation musicale. Je suis passionné de musique, mais aussi d'image. Je gagne ma vie comme directeur photo sur les tournages. J'ai fait mon cégep en cinéma, puis un certificat en technologie des médias et plateau de tournage au Collège O'Sullivan de Montréal.»

On en déduit que les compositeurs pour le cinéma et la télé ont tatoué l'imaginaire du Matos. «Une influence majeure pour nous est celle de l'Israélien Shuki Levy, à qui l'on doit entre autres la musique du dessin animé Les mystérieuses Cités d'or», précise Jean-Nicolas Leupi.

«Des années 80, on aime aussi des compositeurs comme Vangelis, John Carpenter ou Tangerine Dream, ajoute Jean-Philippe Bernier. Notre musique est imprégnée de nos souvenirs d'enfance, de ces sonorités et couleurs avec lesquelles nous avons grandi.»

Une nouvelle vague

Ainsi, le Matos s'inscrit non pas dans un mouvement «revivaliste», mais dans une tendance dont l'objet est de poursuivre ce qui fut lancé par la pop électronique des années 80. Pourquoi donc?

«Il y avait vraiment quelque chose de différent dans les années 80, une sonorité propre», répond Jean-Philippe Bernier.

«Pour les productions audiovisuelles à petit budget, il devenait alors plus facile de créer des bandes originales avec les premiers ordinateurs, boîtes à rythmes et synthés de l'époque. On a longtemps jugé ces musiques plutôt cheesy, mais le temps a modifié les perceptions. [...]

«Depuis la trame sonore du film Drive (2011) composée par Cliff Martinez, une nouvelle vague de musiciens et de compositeurs évoque à son tour les années 80. Mais il y a moyen de s'en démarquer. C'est pourquoi je m'inspire aussi de compositeurs de différentes générations; je suis fan de Hans Zimmer, György Ligeti, Jon McCallum, Jóhann Jóhannsson, Cristobal Tapia De Veer, etc.»

Jean-Nicolas Leupicultive des influences différentes. «De mon côté, j'écoute beaucoup de techno et de house. J'aime le travail des réalisateurs/DJ comme Stephan Bodzin; son album Powers Of Ten est l'un de mes préférés de l'année.»

Alors? Gare aux étiquettes!

«Ceux qui connaissent beaucoup la musique des années 80 peuvent l'entendre dans la nôtre. Mais je ne crois vraiment pas qu'on la copie. C'était beaucoup plus mince dans le temps; nous greffons à ce style plein de sons, de textures et de nouveaux procédés. Nous n'essayons pas d'avoir cette saveur-là sans y ajouter de la valeur», souligne Jean-Nicolas Leupi.

«On est tombés dedans quand on était petits, mais...», conclut Jean-Philippe Bernier.

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ÉLECTRO-POP. Le Matos. Chronicles Of The Wasteland B.O. de Turbo Kid. Fantôme Records. Lancement ce soir, 17h30, au Centre Phi.