Québécoise? Algérienne? Francophone? Arabophone? Pop FM? Variété? Sono mondiale? On ne s'acharnera pas à préciser les profils artistique et identitaire de Lynda Thalie; d'emblée, la chanteuse refuse de se soumettre à l'exercice. Ce soir au Rialto, cependant... la dimension orientale passera devant.

Car elle a accepté avec enthousiasme que son répertoire soit relu par l'arrangeuse et compositrice Katia Makdissi-Warren. Cette dernière est chef et fondatrice d'OktoEcho, un ensemble à géométrie variable dont l'objet est de faire se rencontrer les musiques occidentales et orientales. Et c'est précisément ce qui a motivé Joseph Nakhlé, directeur artistique et fondateur du Festival du monde arabe (FMA de Montréal, à mettre en relation Lynda et Katia.

«C'est un projet spécial, je suis vraiment chanceuse de travailler avec Katia! J'ai hâte de savoir comment ça sonne avec des instruments acoustiques et des instrumentistes de cette trempe», s'exclame une Lynda Thalie visiblement ravie par la proposition du FMA.

«J'ai vraiment très hâte d'offrir ce spectacle au public tout en le découvrant moi-même.» 

Ismail Fencioglu (oud), Marianne Trudel (piano), Bertil Schulrabe (percussions) et Jean-Félix Mailloux (contrebasse) se retrouveront ainsi sur scène aux côtés de Lynda et Katia, qui jouera également de l'oud.

«Sans vouloir dénaturer mon matériel, explique la chanteuse, je suis heureuse de le voir bouger. La difficulté de ce projet, en fait, fut pour moi de choisir les chansons, car je voulais toutes les entendre dans ce nouveau contexte! Finalement, je me suis amusée à sélectionner mes textes "poing levé", les chansons où je me sens plus rebelle. Dans cette optique, je chanterai des inédites de mon cru: Pieds nus, qui parle des mauvais traitements faits aux femmes, ou encore Eau de vie, un texte d'amour et de liberté.

«Bien sûr, il y aura des chansons connues de mon répertoire comme Je l'attends, cet hymne à l'amour et au Printemps arabe de Yann Perreau, ou encore Dance Your Pain Away (La tête haute), un hommage à la résilience du peuple haïtien après le tremblement de terre.

«J'interpréterai également Hilarus Delirus, la chanson-thème du FMA cette année. J'ai aussi sélectionné des coups de coeur d'Afrique du Nord, dont Batwanes Beek de l'Algérienne Warda al-Jazairia, grande diva de la chanson orientale qui a eu une grande carrière de l'Est à l'Ouest, surtout en Égypte.»

La «valse» des identités

Née à Oran, élevée à Alger, exilée à l'adolescence pendant la décennie noire, transplantée au Québec depuis 1994, Lynda Thalie assume son passé et son présent, chante en français et en arabe dialectal algérien. Ce qu'elle fera encore ce soir.

«Vous savez, précise-t-elle, ma première langue maternelle est le français, car j'ai d'abord appris le français. Enfant d'intellos algériens, je suis allée à l'école en français, mais l'arabe a ensuite pris sa place.»

Depuis lors, c'est la «valse» des identités culturelles, linguistiques, musicales et plus encore.

«J'arrive à faire accepter la musicalité orientale dans la chanson populaire d'ici, et même à la radio commerciale. Ça marche bien pour attirer les gens en spectacle, après quoi je fais ce que je veux! [rires] C'est comme ça que je fais ma route.» 

Route panoramique, force est de l'observer: la carrière de Lynda Thalie se déploie au Québec, mais aussi en Europe comme en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.

Le cycle de son album Nomadia, sorti en 2013, tire à sa fin, car l'auteure-compositrice-interprète se dit «en plein processus de création»; nouvelles chansons, projets de télévision, livres pour enfants, vie de famille intense pour la maman de jumeaux... «Ça goale, comme on dit!»

Pour la précision de l'identité, donc, on repassera. «J'essaie plutôt de faire disparaître tous les qualificatifs pop, world, franco, arabe ou autre, car je refuse de m'enfermer dans toutes ces boîtes. Je refuse de choisir, ça m'a alourdie pendant trop longtemps. Aujourd'hui, je me sens citoyenne du monde tout en ayant le Québec en moi, mais aussi l'Algérienne et la Maghrébine. M'identifier à quoi? Je fais de mon mieux pour être la plus lumineuse possible, tout en ayant un côté sombre à ma personnalité. Je me sens humainement et socialement engagée. Je suis femme, mère, auteure, créatrice au-delà de la chanteuse.»

Lynda Thalie conclut avec la métaphore de la «sirène des sables», aussi le titre de son nouveau spectacle.

«C'est une femme qui a traversé le désert et qui a envie de célébrer les autres femmes. Elle veut chanter et danser tout en observant cette folie des humains autour d'elle. Et qui s'accroche à cette idée qu'ils finiront par trouver leur chemin vers la lumière.»

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Ce soir, à 20 h, au Rialto dans le cadre du FMA.