Nous sommes en 2011. Wolf Merzbacher est chanteur de style métal/hard rock. Julie Thériault est pianiste de formation classique, férue de musiques romantique et impressionniste, accompagnatrice, enseignante, chanteuse. À l'évidence, deux mondes pas tout à fait attenants. Comment Julie et Wolf pouvaient-ils alors imaginer qu'ils formeraient le duo Julie & The Wolf, dont le premier album en anglais, Ablaze (qui signifie «en feu»), est une priorité exportable pour le réputé label Audiogram?

«C'est la rencontre de deux univers, ce nom - Julie & The Wolf - en évoque la dualité», amorce Julie, large sourire aux lèvres en ce mercredi pluvieux. Il faut dire que l'enregistrement du tandem fait l'objet d'un réel intérêt médiatique.

Faisons plus ample connaissance, donc.

Julie: «J'ai étudié la musique à l'Université de Montréal. Marc Durand fut mon professeur de piano. La bonne école! Je n'ai pas de carrière de concertiste; je me consacre surtout à l'enseignement. Ma vision n'est pas traditionnelle: on essaie généralement d'adapter l'étudiant à un moule, j'essaie plutôt d'adapter mon propre moule à l'étudiant. Car mon objectif est qu'il aime toujours la musique après avoir travaillé. J'ai aussi appris le chant à la carte. Plus récemment, j'ai fait une maîtrise en composition de musique de films. Julie & The Wolf, d'ailleurs, évoque des images.»

Wolf: «Si j'ai une voix de corps? Tout à fait. J'ai appris par moi-même, tout en suivant quelques cours de chant afin de me préserver les cordes vocales. J'ai été le chanteur d'un groupe, actuellement en suspens. Nous faisions dans hard rock/métal/alternatif/industriel, dans la mouvance de groupes tels Deftones et Tool. Nous avons eu un beau parcours, nous avons enregistré avec de très bons réalisateurs, mais ça s'est éteint il y a trois ou quatre ans.»

Ce groupe, d'ailleurs, était la priorité du chanteur jusqu'à ce que la production d'un enregistrement lui cause problème.

Wolf: «Mon réalisateur exigeait de moi certaines choses... J'ai demandé à Julie de m'aider, sachant qu'elle était coach de voix après l'avoir rencontrée au restaurant Leméac où je travaillais. Par la suite, je me suis retrouvé à Los Angeles avec un réalisateur très pop, qui me mettait des bâtons dans les roues. J'avais le sentiment de ne pas avoir de latitude créative... J'ai alors voulu écouter la musique de Julie, sachant qu'elle composait. Et j'ai capoté.»

Julie: «J'avais enregistré la matière d'un album complet de musique instrumentale. Ça s'inscrivait dans un super projet; c'était l'accompagnement sonore de mon exposition, car je peins aussi.»

Tête de cochon

À l'écoute de cet enregistrement, Wolf a non seulement «capoté», mais il a aussi envisagé d'y coller sa voix.

Wolf: «Lorsque je lui ai fait la demande, elle m'a répondu pas question, no fu** way. Mais j'ai une tête de cochon! Elle avait beau avoir refusé, j'ai repris cette musique, j'y ai juxtaposé des textes et des mélodies, j'ai enregistré le tout et je lui ai fait parvenir le résultat.»

Julie: «Lorsque j'ai entendu ce qu'il avait fait, je me suis dit... euh O.K.!!!»

Le tandem Julie & The Wolf était né. L'approche serait piano-voix, parfois assortie de cordes sobrement exécutées. Les textes seraient chantés en anglais, car Wolf a grandi dans un environnement anglo (à Greenfield Park) et sa langue d'expression artistique demeure l'anglais, même s'il est né d'un père français et d'une mère allemande.

Les 16 chansons au programme d'Ablaze peuvent être considérées comme des lieder hybrides, à la fois classiques et métal.

Julie: «Dans la construction classique d'un lied, il y a un climax, un point culminant. Or, Wolf sort tout son métal lorsqu'il atteint ce pic. Il le fait avec puissance, mais aussi fragilité. Lorsque Anthony Rozankovic a lu les partitions des chansons qu'il devait arranger, il s'est exclamé: criss, ce sont des lieder! Et il nous a fait un super travail. Ainsi, on trouve des cordes sur plusieurs chansons: Chantal Bergeron (violon), Ligia Paquin (alto), Carla Antoun (violoncelle), Heather Schnarr (violon), Sheila Hannigan (violoncelle) et Sofia Gentile (alto) ont travaillé avec nous - en quatuor. Nous avons respecté nos démarches propres, la vraie nature de cette dualité; par exemple, les voix ont été enregistrées en Californie.»

Catharsis

Ainsi, ces chansons pianistiques ont trouvé leur voix et leur voie. Le feu qui en émane est souvent cathartique, force est d'observer.

Wolf: «Mes textes évoquent différents états: relation intense avec mon père que je ne fréquente plus vraiment (Father), crises d'anxiété (The Devil Is The Man), sensibilité au paranormal (Ghost Run), guerre (Red Snow), cauchemars de guerre vécus par mon grand-père allemand (Tell Me). Bref, plusieurs bobos que je voulais sortir de moi.»

Le chanteur dit avoir créé dans l'urgence, sans croire vraiment qu'un album allait naître de cette démarche.

Wolf: «Dans ce contexte, je ne me suis pas retenu, je me suis «câlicé» de tous les avis et... à la fin, j'ai obtenu des réactions vraiment positives. La première fut celle du réalisateur David Bottrill [Tool, Muse, King Crimson, etc.] à qui j'avais proposé la maquette à tout hasard. Il m'a dit au téléphone qu'il aimerait vraiment réaliser cet album. J'avais aussi fait connaître ce projet à Michel Bélanger [réalisateur et fondateur d'Audiogram] que j'avais également connu au Leméac. Je lui demandais conseil et il m'est revenu: «Je ne veux pas te donner de conseils, je veux réaliser ce projet.»»

Le voici enfin.

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ROCK ATMOSPHÉRIQUE. Julie & The Wolf. Ablaze. Audiogram.