Il existe peu de bands au Québec qui rallient à la fois un public à la fin de la trentaine et des adolescents. Près de 20 ans après leur arrivée sur la scène musicale, c'est l'exploit que réalisent à nouveau Les Cowboys Fringants avec Octobre, le neuvième album de leur carrière, qui marque leur retour à la chanson engagée.

«La trentaine, la bedaine, les morveux, l'hypothèque», chantaient-ils de façon prémonitoire en 2004. Depuis, le temps a passé à la vitesse d'une étoile filante. À l'aube de la quarantaine, les Cowboys ont aujourd'hui des cheveux gris, sont en couple, ont des enfants, mènent une vie plutôt stable et jouent au hockey le dimanche soir. Tout ça, bien sûr, «dans leur quartier de banlieue».

Nous les avons rencontrés cette semaine au parc LaFontaine, à Montréal. En discutant de leurs nouvelles chansons, de l'évolution de leur style et de leurs fans qui vieillissent, ces musiciens (qui ont déjà rempli le Centre Bell) ont réalisé une chose: ils sont là pour durer.

«Ça nous a frappés il y a environ trois étés, dans les festivals. Il y avait à nos spectacles des jeunes de 15 ans qui portaient encore des couches quand Break syndical est sorti», souligne Jean-François Pauzé

«C'est le même phénomène qu'a connu Plume Latraverse. On est rendus à notre quatrième génération de fans», poursuit celui qui signe les textes des chansons depuis les débuts du band.

Marie-Annick Lépine, la multi-instrumentiste du groupe, est fière de leur succès. «C'est bon signe, vous ne trouvez pas, cette longévité?», fait-elle remarquer à ses hommes. Jérôme Dupras, assis à ses côtés, hoche de la tête en signe d'approbation.

«Est-ce les parents, les grands frères ou les grandes soeurs qui ont perpétué ça? Je ne sais pas. Mais sur les réseaux sociaux, des personnes qui commentent nos statuts ne sont pas assez vieilles pour avoir de la barbe. En show, au contraire, on revoit certains fans qui étaient présents il y a 15 ans et qui viennent aujourd'hui avec leur enfant sur les épaules», ajoute Jean-François Pauzé.

Un album plus «professionnel»

Les Cowboys Fringants le disent d'emblée: Octobre est probablement l'album le plus professionnel de leur carrière.

«Avec le temps, on finit par voir ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas. Je n'ai pas essayé d'en mettre trop sur cet album-là», explique Marie-Annick Lépine, qui avoue avoir parfois tendance à s'éparpiller dans ses mélodies.

Son amoureux, le père de ses deux enfants et chanteur du groupe, Karl Tremblay, précise que c'est la première fois que les Cowboys font appel à un réalisateur (le tandem composé de Gus Van Go et Werner F) pour enregistrer un album.

«Ils nous ont aidés à faire des choix éditoriaux. Sur les autres disques, tant pour les textes que pour les mélodies, on y allait souvent par consensus, mais on ne prenait pas nécessairement la bonne direction à chaque fois», dit-il.

De tous les membres du groupe, c'est peut-être Karl qui a le plus évolué. Or, malgré les rumeurs qui circulent parfois à la sortie des spectacles du band, il affirme n'avoir jamais suivi de cours de chant.

«Bon, c'est vrai que dans Motel Capri, je chantais du nez. Mais ça fait presque 20 ans que mon métier est d'être chanteur. Ce serait plate que je stagne! J'ai donc évolué. Je me suis dit que je chanterais plus du "ventre" et, sur ce nouvel album, j'ai une voix plus rocailleuse, éraillée», affirme-t-il.

D'ailleurs, depuis un mois, il a troqué la «clope» pour la cigarette électronique. Asthmatique, il a mis fin à sa consommation de tabac. Il espère que cela ne modifiera pas le timbre de sa voix.

«Le contexte politique est inspirant»

Après deux albums moins portés sur le militantisme (L'expédition en 2008 et Que du vent en 2011), Octobre marque un retour des Cowboys Fringants à l'engagement politique, sans perdre leur côté loufoque.

«L'album a diverses facettes. À certains moments, c'est drôle, alors qu'ailleurs, on devient plutôt morose et triste. On a autant des chansons tendres et engageantes que des moments de party», précise Jean-François Pauzé

«Pour nous, c'est un retour à ce que nous étions à l'époque de Break syndical et de La grand-messe», poursuit-il.

Mais sur scène, l'ambiance sera toujours aussi survoltée, promettent-ils.

«Le spectacle a évolué, mais on n'a pas tant changé depuis 20 ans. On fait encore le même genre de spectacle et on reste près de trois heures sur scène. Avec Octobre, il y a plusieurs nouvelles chansons que nous voulons jouer, mais c'est sûr que si quelqu'un arrive avec une pancarte sur laquelle il est écrit Impala Blues, on va la chanter», affirme Karl Tremblay.

Quatre chansons commentées

La La La

«C'est une chanson que Jean-François [Pauzé] nous a présentée à la toute fin de l'enregistrement de l'album mais que j'adore. C'est une vieille mélodie qu'on chantait à l'époque autour du feu ou pendant les sound checks.» - Karl Tremblay

Les vers de terre

«Il y a comme une ambiance tex-mex. C'est une chanson que j'apprécie beaucoup. Aucune autre chanson dans notre répertoire n'a cette ambiance. Musicalement, c'est parfait.» - Marie-Annick Lépine

Marine marchande

«Je suis un amateur des chansons rigolotes. Si je pouvais, je n'écrirais que ça dans la vie. Cette chanson, ça sera vraiment cool de la jouer en show. C'est probablement notre chanson à boire la plus le fun depuis Le shack à Hector.» - Jean-François Pauzé

Mon grand-père

«C'est une chanson qui montre le côté assez éphémère de la vie. Musicalement, c'est aussi assez blues. On n'était jamais allés là. Les changements de rythmes sont intéressants.» - Jérôme Dupras

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FOLK ALTERNATIF. Les Cowboys Fringants. Octobre. La Tribu.