Marky Ramone se sent tout à fait à sa place au festival Heavy Montréal qui, on le sait, ne se limite pas au métal mais intègre dans sa programmation le punk et le rock lourd, toutes tendances confondues.

«C'est comme ça que ça devrait être: proposer aux gens une variété de musiques», dit au téléphone celui qui, avec les Ramones, s'est frotté à des publics peu réceptifs quand le groupe faisait la première partie de Black Sabbath ou d'Aerosmith. «Nous avions l'impression de nous inviter à la fête de quelqu'un d'autre», écrit-il dans son autobiographie Punk Rock Blitzkrieg: My Life as a Ramone, publiée en janvier dernier.

«Nous étions souvent jumelés au métal, et le punk était relativement nouveau, donc ils [les groupes de métal] avaient évidemment plus de fans, explique le batteur et unique survivant des Ramones. Aujourd'hui, c'est une autre histoire.»

«J'ai fait le tour du monde, ajoute-t-il, et je vois comment [le punk] est beaucoup plus accepté de la nouvelle génération et, bien sûr, de la génération qui était là au départ. À l'époque, il y avait peu de groupes comme nous dans le paysage.»

Au panthéon du rock

Les Ramones occupent une place privilégiée au panthéon du rock. On leur attribue généralement la création du punk en 1974 à New York et ils ont même marqué les pionniers anglais du genre - des Sex Pistols aux Clash - par leur attitude je-m'en-foutiste et leurs chansons sans fla-fla qui déboulaient en à peine deux minutes.

«Quand je suis allé en Angleterre en 1978, c'était super de voir tous ces groupes punk faire le décompte "1-2-3-4" comme nous avant chaque chanson et porter des vestes de cuir et des baskets. J'ai donné à Joe Strummer sa première paire de Converse», raconte Marky en riant.

Malgré leur impact, les Ramones ont trimé dur et n'ont jamais connu un succès populaire à la hauteur de leur légende.

«Oui, ça a pris du temps, reconnaît Marky. On a lancé un mouvement nommé punk rock, et il fallait que les gens s'y habituent. Nous sortions du CBGB à New York mais, quand nous avons commencé à faire des tournées de par le monde, nous avons constaté que notre influence était considérable. Le film Rock and Roll High School nous a vraiment aidés, tout comme le fait de travailler avec Phil Spector. Ça a piqué la curiosité des gens, et ils sont venus nous voir en spectacle. Le groupe est devenu beaucoup plus important à compter de la fin des années 80.»

Aujourd'hui, même Bono leur rend hommage en lançant le spectacle actuel de U2 avec la chanson The Miracle (of Joey Ramone).

«J'aurais aimé qu'il mentionne son nom [Joey] dans la chanson, ce qu'il n'a pas fait, commente Marky. À moins d'être un fan des Ramones, impossible de savoir quel est le sujet de sa chanson. Mais c'est mieux que rien...»

Viré puis réintégré

Depuis quelques années, c'est Marky qui perpétue la mémoire de ses collègues disparus. C'est un peu ironique dans la mesure où le batteur, qui s'est joint aux Ramones en 1978, a été viré par les trois autres en 1983 en raison de son alcoolisme avant d'être réintégré en 1987. À sa décharge, chacun des Ramones avait des problèmes: Dee Dee, le bipolaire, et Joey, l'obsessionnel compulsif, étaient accros aux drogues et Johnny, le redneck, avait un sale caractère.

«On m'a invité à me joindre au groupe deux fois, un genre de record, répond Marky avec un brin de sarcasme. Ils m'ont demandé de revenir, et j'y suis resté jusqu'à ce que Johnny, Joey et moi décidions de nous retirer [en 1996]. La vie est drôle, c'est une aventure. On ne sait jamais ce qui va arriver.»

Ces éternels adolescents qui refusaient de vieillir étaient des maniaques de bande dessinée et d'émissions de science-fiction. «Nous étions des extraterrestres», commente Marky.

Des extra-terrestres qui comptent parmi leurs fans des célébrités comme l'auteur Stephen King, le président Barack Obama et même le pape François, affirme Marky dans son bouquin.

«Je ne sais pas si le pape est un fan, mais il nous connaît, corrige-t-il au téléphone. Il vient du pays où nous sommes le plus populaires. On a visité l'Argentine il y a environ 25 ans, donc il est peut-être déjà venu nous voir en concert.»

Hommage ou récupération?

Dans le Marky Ramone's Blitzkrieg qu'on verra à Heavy Montréal demain, c'est Andrew W. K. qui reprend les hymnes que chantait jadis Joey Ramone.

«Il le fait à sa façon, explique Marky. Je ne voulais pas d'un clone mais plutôt d'un chanteur qui soit plus en phase avec aujourd'hui. Il y a eu beaucoup de décès [dans le groupe] et il est temps de commencer à célébrer la vie. Nous ne sommes pas du genre à faire des pauses, à boire de l'eau sur scène ou à parler du beau temps.»

«À Montréal, on va jouer pendant environ 50 minutes. Ça va être comme une locomotive que rien ne peut arrêter», promet-il.

Certains verront peut-être dans le Blitzkrieg une opération de récupération qui jure avec tout ce que représentaient les Ramones, qui célébraient l'instant présent et se moquaient volontiers des vaches sacrées. D'autres, qui ont vu le groupe à l'oeuvre, affirment au contraire qu'il rend bien l'esprit des Ramones tellement il est énergique.

«Les chansons sont trop bonnes pour ne pas être jouées, répond simplement Marky. Et les gars sont morts trop tôt. Ayant fait partie du groupe pendant 15 ans, je sentais que c'était ma responsabilité de faire en sorte que ça continue. Si les gens aiment ça, tant mieux. Sinon, ils peuvent aller voir un autre groupe.»

Sur la scène Heavy, demain à 16h30, dans le cadre de Heavy Montréal.