Les férus de jazz contemporain savent l'envergure du batteur norvégien Paal Nilssen Love, l'un des plus sollicités à l'échelle internationale. Au Québec, les habitués des Suoni Per Il Popolo et du FIMAV (à Victoriaville) ont admiré son jeu à maintes reprises, fut-ce aux côtés de pointures telles Peter Brötzmann, Ken Vandermark et Joe McPhee, ou encore au sein d'ensembles très puissants - on pense au superbe quintette Atomic... qu'il a laissé pour mener les destinées de ce Large Unit, invité aux Suoni samedi et dimanche.

Fin des années 90, Paal Nilssen Love fut rapidement considéré comme un  jeune prodige de la batterie. Il s'est taillé la réputation d'un virtuose explosif, volcanique, hautement créatif. Le temps passe très vite... Le batteur a déjà 40 ans et doit assumer son âge, son expérience, son leadership. Samedi et dimanche à la Sala Rossa, il sera à la tête d'un ensemble de onze musiciens norvégiens l'incluant. L'an dernier, son Large Unit a lancé l'album Erta Ale sous étiquette PNL (qui lui appartient), voici la performance sur scène dont on promet deux programmes distincts ce week-end.

«C'est la première fois que je viens à Montréal avec le Large Unit. Nous avons fait une tournée en Norvège il y a un an et demi, une deuxième en Europe le mois dernier, et nous voilà en Amérique du Nord pour 14 concerts. Je dirige le groupe, j'en compose la musique et en gère la tournée. On peut en déduire qu'il s'agit de mon principal projet. Cela me tient vraiment à coeur, car j'y présente les forces montantes de la musique improvisée en Norvège.»

L'idée de ce Large Unit, indique notre interviewé, a germé dans un contexte... forestier.

«Il y a deux ans, j'ai fait une résidence d'artiste dans les bois de Norvège. J'y ai réfléchi à ce que je pourrais réaliser avec des groupes de différentes tailles et instrumentations. Je rêvais de fonder grand ensemble depuis un bon moment, il faut dire. J'y voyais l'occasion de travailler avec des joueurs plus jeunes. J'ai fait mes devoirs; je suis allé entendre sur scène nombre de musiciens émergents, j'ai ensuite procédé à leur recrutement. Lorsque avons répété tous ensemble, j'ai vite réalisé que ce serait beaucoup plus qu'un projet de résidence; j'avais devant moi un groupe professionnel avec qui j'enregistrerais et je partirais en tournée. Très beau défi que d'implanter ces jeunes sur la scène internationale!»

Un défi, effectivement, aussi une nécessité: plusieurs musiciens du jazz contemporain ont pris de l'âge, il faut une relève et de nouvelles idées pour relancer le style.

«Nous avons besoin de sang neuf, admet le batteur. Et c'est pourquoi je suis très heureux de diriger cette formation. Tout le monde ici est à l'écoute de l'autre, humble et conscient des enjeux que pose le jeu collectif. Nous évoluons à chaque concert, retravaillons sans cesse notre répertoire.  C'est un pur bonheur que d'écrire pour des musiciens qui donnent leur maximum et n'angoissent pas sur leurs erreurs possibles.. Je n'avais jamais rien accompli de tel auparavant. J'ose croire que cela reste toujours frais, du moins jusqu'à maintenant.»

Et comment situer le travail de ce Large Unit dans le vaste courant du  jazz contemporain? Un mot résume l'approche préconisé par Paal Nilssen Love: diversité.

«Les membres de cette formation sont tous ouverts d'esprit, forcément traversés par plusieurs musiques. À l'ère de l'internet, les influences pullulent: il y a tant de musique en ligne. Cela a également une incidence directe sur mon jeu et ma musique; par exemple, les rythmes brésiliens et éthiopiens m'ont beaucoup inspiré ces derniers temps. Qui plus est, tous mes musiciens se trouvent dans d'autres groupes dont ils importent les pratiques. Et exportent ce qu'ils développent au sein du Large Unit.»

Autour de deux paires de bassistes et batteurs, s'échafaude ainsi le Large Unit. Instruments acoustiques, électriques et électroniques en complètent la lutherie à géométrie variable.

«Nous pouvons jouer dans différentes configurations pendant un même concert, de manière à permettre à chacun de décoller. Nous pouvons offrir des séquences plus écrites, d'autres plus texturales, d'autres plus aléatoires ou complètement bruitistes. Les rythmes peuvent y être jazz, africains ou brésiliens. Bref, il s'agit du mélange qui me définit par les temps qui courent.»

Dans le cadre du festival Suoni Per Il Popolo, le Large Unit de Paal Nilssen Love se produit samedi, 20h30, et dimanche, 20h, à la Sala Rossa. Les musiciens sont: Jon Rune Strøm, contrebasse et basse électrique, Andreas Wildhagen, batterie, Paal Nilssen-Love, batterie, Mats Äleklint, trombone,  Christian Meaas Svendsen, contrebasse et basse électrique, Klaus Ellerhusen Holm, saxophones alto et baryton, Julie Kjaer, saxophone alto, Thomas Johansson, cornet, Per Åke Holmlander, tuba, Ketil Gutvik, guitare électrique, Tommi Keränen, électronique.

Photo fournie par Paal Nilssen Love