Passé quelque peu sous le radar musical il y a deux ans avec la sortie de son premier album, le groupe montréalais The Franklin Electric attire finalement les regards - et les oreilles - ces jours-ci, alors qu'il s'apprête à lancer officiellement... ce même premier disque. Explications avec le chanteur Jon Matte.

Jeudi dernier. Roulant sur l'autoroute 401 en direction de Toronto, les gars de The Franklin Electric sont fébriles. Dans les prochaines heures, ils joueront le premier de leurs trois concerts prévus dans le cadre de la Canadian Music Week, festival voué essentiellement à la découverte de nouveaux talents.

«Je suis vraiment excité, confie au bout du fil le chanteur et leader de la formation, Jon Matte. Souvent, dans ce genre d'événement, on sent qu'on n'est qu'un groupe parmi des milliers d'autres; là, c'est différent. On fait trois spectacles en quatre jours et on sent le buzz. Je suis évidemment heureux de cette chance... et aussi nerveux, je ne le cacherai pas. Mais dès que nous serons sur scène, ça va aller. On connaît tellement bien nos chansons.»

Dans la Ville reine, le groupe montréalais a défendu This Is How I Let You Down, son premier disque, relancé deux jours plus tôt, qui contient une dizaine de chansons à saveur folk-rock. À l'écoute, on pense à Mumford & Sons, Half Moon Run, Leif Vollebekk ou encore Patrick Watson. Aux accords harmoniques et envolées lyriques s'adjoignent guitares, piano et trompette.

Cette musique sied bien aux textes nostalgiques et aux histoires de regrets proposés par le compositeur, Jon Matte. «Beaucoup de gens prétendent être des artistes, mais ne veulent pas trop s'exposer. Je pense plutôt que, si on veut vraiment faire ce métier, il faut être vrai. Oui, les premières fois, ça fait peur, on se sent nu. Mais, si on ne le fait pas, les gens vont se rendre compte qu'on fake.»

Deuxième sortie

Si ce disque paraît officiellement ces jours-ci, The Franklin Electric l'a d'abord offert en version indépendante aux audiophiles, il y a plus de deux ans.

«On a enregistré l'album en 2012 et on l'a mis sur iTunes. En quelques mois, on a vendu plus de 10 000 chansons. Je n'en revenais pas. Ça a déclenché une minialerte dans l'industrie. On a ainsi pu jouer à CHOM-FM, puis Franz [Schuller, président des Disques Indica] est venu nous voir en spectacle. On s'est parlé et ça a cliqué. À partir de ce moment-là, il était clair pour lui comme pour nous qu'il fallait ressortir l'album. Elles sont bonnes, ces chansons-là; elles n'ont juste pas eu leur chance dans le mainstream

Les compositions signées Jon Matte ont ainsi eu droit à de nouvelles séances d'enregistrement, sous la direction de Rob Heaney, et de mixage - fait par Chris Shaw, qui a notamment travaillé avec Wilco et Bob Dylan.

Ce second souffle fait plaisir au principal intéressé. «Il y a deux ans, j'ai dépensé tout mon argent dans ce projet-là. Aujourd'hui encore, je n'ai pas les moyens d'avoir un appartement à moi; je dors dans le sous-sol d'un ami, à Brossard. Et tu sais quoi? Si c'était à refaire, je le referais demain matin!

«De toute façon, je ne pourrais pas faire autre chose parce que la musique, c'est toute ma vie, poursuit-il. Je viens d'une famille de musiciens, mes parents m'ont payé des cours de piano quand j'avais 4, 5 ans. J'ai étudié en musique au Collège Vanier avec Patrick [Watson]. On faisait des gigs de jazz sur des croisières pour ramasser de l'argent. J'ai tout misé sur ce premier disque. J'ai plongé. Et je suis fier de ce que j'ai accompli.»

En souvenir de Paul

Il y a trois ans, en février 2011, le rappeur montréalais Bad New Brown, de son vrai nom Paul Frappier, a été assassiné. Sa mort a provoqué une onde de choc chez les artistes montréalais. Et une remise en question «qui était de toute façon inévitable» chez Jon Matte.

«Paul était un bon ami, confie le chanteur. Sa mort m'a vraiment affecté. J'ai dû faire une grande réflexion à ce moment-là. Ce n'était pas évident, sur le plan émotif, de faire face à mes peurs et de les coucher sur papier. Mais il fallait que je règle des trucs de mon passé, que je repense à tous ces moments où j'aurais dû agir au lieu de... en tout cas. [Silence] Puis, je me suis dit qu'il était temps de me prendre en main, sans quoi j'allais passer ma vie à travailler dans une factory. J'avais des idées, des tounes, des compositions; il était temps d'arrêter de me replier sur moi-même et de foncer.»

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FOLK. The Franklin Electric. This Is How I Let You Down. Indica Records.

Lancement ce soir, à 19h30, au Cabaret du Mile End.