En 2010, Ginger fut l'un des grands albums de la francophonie, pour ne pas dire le plus marquant. Au terme de tournées et collaborations, son créateur est retourné en studio. La métaphore des alluvions aurifères a alors mené Gaëtan Roussel à la découverte des pépites d'Orpailleur, nouvel album paru en octobre. Joint en France, il nous cause entre deux répétitions.

Nous l'invitons à circonscrire les principales caractéristiques de son deuxième opus solo. «Je pense que cet album est moins frontal que le premier. Moins en patchwork, moins en empilement, plus en largeur. J'ai aussi eu envie de choses plus posées, de tempos plus lents. Des choses que je n'ai pas souvent croisées dans les groupes auxquels j'ai participé. En tout cas, Louise Attaque a toujours été très frontal. De manière différente, Ginger avait aussi ce côté frontal, physique. Celui-ci n'a pas le même impact, il pousse en vous petit à petit. J'aime cette idée.»

En fin créateur qu'il est, le chanteur n'a jamais rompu avec l'idée de départ.

«J'espère ne jamais oublier la raison pour laquelle une idée me plaisait au départ, tout en m'autorisant à la déstructurer si j'en ai envie. Ainsi, j'ai tenté de créer quelque chose qui passe ailleurs que par les pieds, même si j'y reviens parfois. Du coup, ça m'a conduit à chanter autrement. Je suis revenu à ce fil conducteur qui est ma voix, ce qui n'était pas forcément le cas dans l'album précédent. J'avais des invités qui chantaient avec moi, souvent en anglais. Cette fois, j'ai utilisé beaucoup moins d'anglais afin d'éviter la redite. Je suis revenu un peu à mes premières amours, en optant pour un format plus chanson française, tout en essayant de ne pas quitter ce que j'avais acquis récemment, c'est-à-dire ce côté très anglo-saxon de la production.»

De l'album Ginger, d'ailleurs, on se souvient des précieuses collaborations de l'Américain Gordon Gano - Violent Femmes, etc. - et du Britannique Tim Goldsworthy - cofondateur de DFA Records, l'autre étant James Murphy, principal réalisateur du récent opus d'Arcade Fire. Cette fois, les collègues sont exclusivement français.

Pour le son et la musique, Benjamin Lebeau et Julien Delfaud ont été recrutés.

«Ils étaient aussi présents dans certaines parties de Ginger, rappelle leur employeur. Puisque je voulais des passerelles avec l'album précédent, je leur ai d'abord proposé de vérifier ensemble qu'on ne referait pas un Ginger bis. Nous sommes allés en studio, il s'est avéré que nous pouvions avancer encore. Pour Julien Delfaux, c'est plutôt production, mixage, son. Pour Benjamin Lebeau, c'est une relation approfondie: nous avons travaillé de telle manière que la composition, l'arrangement et la réalisation puissent se mélanger.»

Pour les mots, Pierre-Dominique Burgaud a joint sa plume à celle de Gaëtan Roussel.

«Au départ, je n'avais pas l'intention de coécrire, lorsqu'il m'a proposé ses textes un peu par hasard. J'ai sauté sur l'occasion, car il m'accordait une grande liberté pour utiliser ses mots et les associer aux miens. Je ne voulais pas chanter les textes de quelqu'un d'autre, je voulais plutôt mélanger mon champ lexical avec le sien.»

Se réinventer

Ainsi, Gaëtan Roussel a souhaité qu'Orpailleur lui ressemble, mais que sa facture se transforme.

«Pour évoluer, pose-t-il, je ne vais pas utiliser la même méthode. Je suis d'ailleurs convaincu que le troisième album solo sera fait d'une manière différente. Je vais tendre vers autre chose, et c'est ce qui est intéressant. Je cherche à ne pas faire pareil, à me donner les moyens de ne pas faire pareil. Cet album ne s'appelle pas Orpailleur par hasard. Quand ce mot-là est arrivé, je me suis aperçu qu'il fonctionnait bien avec ce que j'essayais de faire. C'est l'idée de recherche, c'est aussi l'idée de mouvement.»

Toujours chercher, tant sur le fond que sur la forme.

Fin 2013, Gaëtan Roussel n'est pas encore officiellement programmé dans quelque festival de ce côté de l'Atlantique, mais il souhaite sincèrement traverser l'océan en 2014 afin d'y présenter son nouveau spectacle, dont il vient à peine d'achever la conception.

«Je tends à plus de scénographie, plus de visuel, plus de projections. Pour cela, je m'appuie sur quelque chose de vécu l'été dernier aux Francofolies de La Rochelle, c'est-à-dire la relecture sur scène d'un album de Bashung créé avec Gainsbourg - Play blessures. Les moyens utilisés m'ont donné envie d'en faire autant pour moi, mais très différemment. Ainsi, l'univers du nouveau spectacle est un prolongement visuel de la pochette et du livret d'Orpailleur, visuel proche de l'art cinétique, ceci dit sans prétention aucune. Malgré les morceaux plus posés du nouvel album, l'énergie rock revient sur scène, la scénographie peut aussi prendre le pas. C'est un tout.»

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Photo photothèque La Presse