Mahala Raï Banda, la Fanfare Ciocarlia, les orchestres de Goran Bregovic, Boban Markovic, Emir Kusturica ou, plus récemment, Balkan Beat Box ont adapté à ce millénaire un patrimoine... millénaire. Brassage musical des Balkans et leurs multiples empreintes orientales, fussent-elles romanichelles, arabes, juives, turques ou perses.

Le quintette franco-allemand Äl Jawala s'inscrit assurément dans cette mouvance. Ce qui justifie l'invitation du groupe au Festival du monde arabe pour son concert d'ouverture, aujourd'hui au National.

Électro, jazz, funk ou dub se mêlent tour à tour aux sonorités balkaniques dans cette marmite cosmopolite d'Äl Jawala, qui signifie «le voyageur» en arabe. Les métissages typiques des orchestres populaires est-européens sont clairement évoqués dans cet ensemble des plus dynamiques, qui puise également dans la manea, sorte de disco-pop tzigane apparue en Roumanie au cours des années 1990 et 2000.

Mais encore? Avec sept albums en banque, dont un tout récent enregistré devant public, Äl Jawala est assurément en mesure d'embraser toutes les pistes de danse. Ce soir, pieds, mollets, cuisses, hanches et tripes seront sollicités par cette formation qui vient pour la première fois en Amérique du Nord.

«Nous jouons surtout en Europe centrale, en fait: surtout Allemagne, Suisse et France. À l'est, nous jouons surtout en Roumanie. Nous y sommes un peu débarqués par hasard en 2005, ça s'est très bien passé et nous y avons tissé des liens. Pour ce premier concert en Amérique, nous comptons jouer surtout la matière de notre nouvel enregistrement public ainsi que celle d'un album récent intitulé The Ride. Nous prévoyons aussi d'interpréter de nouvelles pièces», explique Steffi Schimmer, interceptée jeudi dès sa descente d'avion.

L'aventure d'Äl Jawala, raconte la saxophoniste dans un français plus qu'acceptable, a démarré à l'aube de la précédente décennie.

«En Allemagne, les films et la musique d'Emir Kusturica ou de Goran Bregovic nous avaient alors fait connaître cette riche culture des pays de l'Est. Par leur modernité, ces artistes se distinguaient des Mahala Rai Banda et Fanfare Ciocarlia en hybridant leur musique avec les sonorités de l'Ouest. Depuis, ces dernières formations, jugées plus traditionnelles au départ, se sont aussi adaptées aux goûts des publics d'Europe occidentale ou d'Amérique.»

En toute honnêteté, notre interviewée nous prévient que son groupe adhère à une culture musicale sans en être issu.

«Nous ne sommes ni balkaniques ni tziganes, nous formons un groupe de quatre Allemands et un Français installés à Freiburg im Breisgau - au pied de la Forêt-Noire, tout près des frontières suisse et française. Nous aimons sincèrement ces musiques des Balkans, nous nous intéressons aussi à cette manea que plusieurs Roumains réprouvent à cause de ses textes légers ou carrément vulgaires. Ainsi, nous essayons de lier ces styles qui nous fascinent à ceux avec lesquels nous avons grandi. C'est ce qui fait, je crois, notre spécificité. Un son propulsé par le big beat

Outre les balkaniques, donc, plusieurs racines musicales sont repérables au sein d'Äl Jawala, de préciser Steffi Schimmer:

«Rock pour certains d'entre nous, hip-hop et reggae pour d'autres, ou encore le jazz. En fait, nous n'aimons pas les limites qu'imposent les genres, nous ne nous enfermons dans aucune case. La musique est un très vaste univers! Ainsi, notre instrumentation est un peu atypique: deux saxophones, basse et percussions à nos débuts, après quoi nous avons élargi avec la guitare et les claviers. Et nous n'utilisons pas la voix. Nous formons un groupe de musique instrumentale, sorte de jazz populaire adapté à des influences d'hier et d'aujourd'hui. Musique qui fait bouger!»

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En ouverture du 14e Festival du monde arabe de Montréal (FMA), le groupe Äl Jawala se produit ce soir, 20h, au National. Info: festivalarabe.com