Fort du succès international de son disque précédent, le groupe Phoenix profite d'un bassin de fans déjà conquis pour expérimenter et repousser les limites de son art. Entrevue avec le chanteur Thomas Mars pour la sortie de l'album Bankrupt !, ce mardi.

Phoenix a attiré une marée humaine impressionnante la semaine dernière au festival Coachella, en Californie. Les organisateurs avaient misé juste en programmant le quatuor de Versailles comme tête d'affiche d'envergure de fin de soirée sur la scène principale.

Les dizaines de milliers de spectateurs réunis dans le désert pour Coachella ont renoué avec Phoenix avec des cris bruyants et généreux. Ils retrouvaient les airs rock accrocheurs des nombreux succès du disque précédent de Phoenix, mais ils étaient tout aussi enthousiastes à l'écoute d'Entertainment, le premier extrait du nouvel album Bankrupt !, qui sort mardi.

La bande de Thomas Mars lance Bankrupt ! dans un contexte fort différent du précédent, où tout était à gagner et à conquérir, du moins à l'étranger. Phoenix a connu un succès américain et international monstre avec son quatrième disque Wolfgang Amadeus Phoenix, sorti en 2009 et sacré meilleur album alternatif au gala des Grammy. Les tournées n'ont pas arrêté de s'ajouter, culminant par un spectacle au Madison Square Garden de New York, donné avec les amis de Daft Punk. «De loin la soirée la plus mémorable de ma vie», dit Thomas Mars, interviewé il y a trois semaines.

Le moment de grâce aura toutefois été de courte de durée pour les membres du groupe. La soirée magique du Madison Square Garden a même même laissé place à un vide et de l'incertitude, surtout quand est venu le temps de rentrer en studio. «Nous avons tourné pendant deux ans et nous avons ensuite été en studio pendant deux ans. Autant les tournées ont passé vite, autant le studio a paru comme 10 ans «, dit le chanteur de Phoenix marié à la cinéaste Sofia Coppola. «Quand on retourne en studio, on redevient humble par rapport à la chose simple qui est de composer une chanson. Comme si on ne savait plus comment faire... et ce processus est nécessaire pour retrouver son équilibre.»

Phoenix a exploré plus de 70 possibilités de chansons pour Bankrupt ! pour finalement n'en retenir qu'une dizaine. La 11e plage du disque est par ailleurs un collage des 71 essais et erreurs musicaux. «On voulait les rendre publics pour s'éviter que cela serve à la fondation du prochain disque «, indique Thomas Mars.

Phoenix cherche manifestement à se mettre en danger. Le titre de Bankrupt ! évoque par ailleurs cette idée de faire table rase et de repartir sur du neuf. « C'est nécessaire de toujours recommencer comme si c'était le premier disque. «

Dans leur processus de création, Thomas Mars, Deck d'Arcy, Christian Mazzalai et Laurent Brancowitz ont néanmoins profité de leur nouvelle notoriété internationale en se permettant davantage d'expérimentations et d'aventures musicales... et même une chanson instrumentale de six minutes. «On savait qu'avec le succès de l'album précédent, on aurait des écoutes supplémentaires de la part de notre public, explique Thomas Mars. Le son est plus riche... plus complexe et hostile. Il faut écouter l'album plus d'une fois pour l'apprécier. «

De Blade Runner à Rohmer

Phoenix a notamment passé trois mois dans le studio du défunt Adam Yauch des Beastie Boys. Le quatuor a retrouvé son ami réalisateur Philippe Zdar, qui a remixé des pièces d'Air et de Daft Punk, en plus de travailler avec des groupes comme Chromeo et Cut Copy.

« Nous nous sommes entourés de plein d'instruments et de vieux claviers électroniques que nous avons maltraités, explique Thomas Mars. Chaque chanson a son ADN propre avec des références différentes. «

Si les accords de l'extrait Entertainment semblent asiatiques, ils proviennent plutôt de « gammes éthiopiennes «, explique le chanteur. D'autres pièces s'inspirent des films Blade Runner et A Swedish Love Story. « Notre disque est une sorte de vol à l'étalage, dit Thomas Mars. Prendre des éléments qui viennent d'un peu partout et les coller ensemble. «

« J'ai redécouvert les films de Rohmer, souligne le chanteur. Avec les tournées, nous sommes devenus nostalgiques de la France. Comme je vis à l'étranger [les trois autres membres vivent toujours à Paris], je peux aujourd'hui regarder la France avec un oeil de touriste et redécouvrir des trucs que je trouvais trop français «, dit le New-Yorkais d'adoption.

« La richesse sonore » de Bankrupt ! dont parle Thomas Mars en entrevue n'est pas une affirmation toute faite. Phoenix n'a pas voulu répéter la même recette musicale. Il propose un son et des mélodies au goût diffus et moins sucré, qu'il vaut la peine de prendre le temps d'apprivoiser à sa juste valeur. La créativité des sonorités et la langueur new-wave de certaines pièces permettront d'intéressants changements de tempo en spectacle. À voir cet été au Festival Osheaga.

ROCK

Phoenix

Bankrupt!

Universal

Disponible mardi