Elliott Landy a été photographe de vedettes. Pendant environ deux ans. Entre 1968 et 1970. Rencontre avec un homme qui a saisi l'esprit de son temps.

Elliott Landy a commencé dans le rock à New York en 1968 avant d'être le photographe «officiel» du festival de Woodstock, le père de tous les festivals. Il y a 41 ans...

Certains de ses sujets chantent encore - Clapton, Van Morrison; d'autres sont disparus des scènes et d'autres encore sont disparus, point, au cours des deux années qui ont suivi Woodstock. Faut-il rappeler les trois J? Janis Joplin, Jim Morrison, Jimi Hendrix, tous trois tués par le mal d'être que n'avait pas réussi à vaincre cette ère d'ouverture sur la conscience cosmique.

«Résolument la période la plus riche du XXe siècle», nous disait Elliott Landy mercredi, peu avant le vernissage de l'exposition The Spirit of a Generation, présentée jusqu'à Noël à la Galerie Lounge TD (de la Maison du Festival Rio Tinto Alcan) qui fête son premier anniversaire.

La plupart des 68 photos accrochées ont été prises à Woodstock, dans l'État de New York, mais très peu au Festival même, qui s'est tenu au mois d'août 1969. À côté du classique montrant Joe Cocker jouant de l'air guitar sur With a Little Help from My Friends, une photo (sans visages) de la première mode «nombril à l'air», des photos d'artistes prises de l'arrière-scène et quelques scènes de foule, de pluie et de boue.

Non, le Woodstock de cette exposition est le Woodstock où vivaient déjà Bob Dylan et The Band avant le festival (auquel Dylan ne participera pas). «À l'été de 1968, j'étais monté à Woodstock pour faire des photos de Dylan pour le Saturday Evening Post», raconte Elliott Landy, un natif de New York City qui est devenu photographe quand il s'est rendu compte qu'il n'aimait que deux choses dans la vie: prendre des photos et sortir (et rentrer) avec les filles. Le Woodstock préhistorique, donc... «Dylan et moi, ç'a cliqué et il m'a laissé le photographier avec sa femme et ses enfants.» Sauf erreur, aucun autre photographe n'a eu cette opportunité: Dylan au piano, Dylan dans son jardin, Dylan souriant, eh! oui, au milieu des siens...

À la même époque, Landy - il avait alors 26 ans - était allé upstate pour faire les photos du premier album de The Band, Music from Big Pink, du nom que les musiciens canadiens avaient donné à leur maison de West Saugerties, près de Woodstock. «J'aimais bien ces gars-là , dira Elliott Landy. Surtout Rick Danko, qui est mort à Woodstock il y a une dizaine d'années, et Robbie Robertson, un des rares sujets avec qui je parle encore, à l'occasion.»

- Et Dylan?

- On n'a plus de contacts depuis longtemps. Il est comme ça, Bob, qui chantait Friends will disappear...

Avant les rock stars, Elliott Landy avait photographié les manifestations pour les «civil rights» et/ou contre la guerre, rencontres de paix qui tournaient invariablement à la violence. «Aucun Vietnamien ne m'a traité de nègre», disait une pancarte...

Elliott Landy était un jeune homme de son temps: «La philosophie du temps était de faire ce qui satisfaisait nos désirs profonds tout en essayant de rendre le monde meilleur. Certains, comme moi, réussissaient à vivre de leur activité. Il faut bien manger...»

Les photos de l'expo «partent» à 900$: Joan Baez - elle chantait au Saint-Denis hier - au festival de Newport en 1968; John Lee Hooker dans les slums de N.Y.; au légendaire Fillmore East: Janis, Jimi Hendrix puis les Who avec Pete Townshend qui fracasse sa guitare sur le bord de la scène. Spirit of a Generation... Unissons nos consciences! Eric Clapton à l'époque de Derek and the Dominos (1970). Tim Buckley... Vous aimeriez la photo de Bob Dylan souriant sur la couverture de l'album Nashville Skyline de 1969? Elle est à vous pour 3030$... Si ces prix ne concordent pas avec vos prévisions budgétaires, vous pouvez toujours vous procurer le livre Woodstock Vision, publié l'an passé à l'occasion du 40e anniversaire du Festival. Un beau document d'époque.

«La photo, explique Elliott Landy, c'est comme l'oreille parfaite: tu l'as ou tu l'as pas. Je n'ai jamais demandé aux personnes que je photographiais de prendre telle pose ou de me regarder... Je n'essaie pas de faire ceci ou cela: je prends ce qui est devant moi.»

D'aucuns, parmi les anti-boomers notamment, pourraient considérer ce fait saillant générationnel comme «passé»... «Les choses, dira Elliott Landy, ne sont jamais «passées» quand on cherche à en saisir l'essence...»

Elliott Landy a arrêté de faire de la photo commerciale quand il s'est rendu compte qu'il cherchait à faire ce qu'il croyait que voulait son directeur artistique... Après, il est allé s'établir à Woodstock.

Elliott Landy, The Spirit of a Generation, à la Galerie Lounge TD (305, rue Sainte-Catherine Ouest, à l'étage), jusqu'au 24 décembre. Entrée gratuite.