Julie Lamontagne vient de franchir une étape cruciale de sa carrière. La pianiste fait désormais partie de notre élite du jazz. Sa virtuosité est devenue plus qu'évidente: fluidité, profondeur harmonique, vélocité, précision, puissance de l'attaque, connexion idéale avec son trio. La sortie de Now What, son deuxième album à titre de leader, pourrait la lancer sur la piste exclusive du jazz. Et, possiblement, sur le chemin de la carrière internationale.

Julie jubile en ce jour de lancement. En l'occurrence, le sien. L'animatrice Monique Giroux lui a permis de concocter une émission spéciale (sur Espace Musique) où elle pouvait se faire plaisir. Ses amis, collègues et fans sont venus la saluer à la Cinémathèque québécoise - d'où l'émission est diffusée devant public. Julie cause ensuite avec ses proches, se laisse prendre en photo, fait le plein d'amour, puis s'attable pour l'interview qui suit.

«J'espère beaucoup jouer le contenu de ce nouvel album. Je veux d'abord présenter ce projet au Festival de jazz de Montréal (avec le saxophoniste new-yorkais Donny McCaslin, aussi invité sur Now What), j'aimerais ensuite l'exporter. C'est à moi de me retrousser les manches pour trouver un agent aux États-Unis. Je suis rendue là.»

Il faut rappeler que Julie Lamontagne gagne très bien sa vie dans le monde de la pop québécoise. Directrice musicale d'Isabelle Boulay depuis plusieurs années, directrice musicale de Bruno Pelletier, pianiste en résidence à l'émission de Monique Giroux depuis l'automne, chef sur plusieurs événements spéciaux, régulièrement en tournée européenne, on en passe.

Il y a quatre ans, nous avions causé de ce choix de carrière lorsque Julie avait lancé son premier album de jazz à titre de leader - Facing the Truth, étiquette Effendi. La réalité québécoise étant ce qu'elle est sur le plan de l'économie de la culture, il faut presque faire voeu de pauvreté si on ne désire jouer que du jazz. Peut-on alors reprocher à nos meilleurs musiciens de renoncer à cette option, avec pour conséquence de ne jamais consacrer les efforts nécessaires à l'atteinte des standards internationaux? À 33 ans, Julie en est parfaitement consciente. Elle tentera quand même sa chance.

«Oui, c'est notre réalité, corrobore-t-elle. Un musicien professionnel doit faire de tout. On finit toujours par s'éparpiller au Québec. Et c'est pour ça que je me suis arrêtée. Je termine avec le show de Monique le 19 juin, je serai chef d'orchestre à la Saint-Jean sur les plaines d'Abraham. Cette année, je dois quand même dire que Radio-Canada m'a sortie de ma zone de confort. Avec Monique, c'était du répertoire différent chaque jour. J'ai adoré ça!»

Vérifions une dernière fois: d'autres emplois d'accompagnement l'an prochain, Julie? Elle sourit. «Non, je n'ai plus rien. Je me consacre à mon projet de pianiste de jazz. Je suis dispo. Je suis là à 100%. J'ai même deux autres projets d'albums en tête.»

Implication émotive

Julie sait fort bien ce qui l'attend: les virtuoses du jazz sont plus nombreux que jamais, les standards à atteindre pour circuler partout dans le monde sont de plus en plus élevés. La pianiste montréalaise n'en est pas moins déterminée à faire sa place sur la planète jazz.

«Tant que le corps le permet, on peut s'améliorer techniquement. J'en suis convaincue. Et c'est pourquoi j'ai beaucoup travaillé ma technique. L'été dernier, par exemple, j'ai pris trois mois de congé; je me suis cachée chez moi et je n'ai pas cessé de jouer. Je me levais le matin, je répétais. L'après-midi, je composais. Chose importante, j'ai travaillé fort sur la connexion entre la femme que je suis et la musicienne que je suis. Auparavant, j'avais trop souvent ce sentiment de ne rien amener au piano. J'étais la fille pour qui c'était facile, je pouvais manger une pomme en interprétant... sans m'impliquer sur le plan émotif.»

Julie dit réécouter son premier album de jazz et en conserve l'impression qu'elle était encore une petite fille à qui on avait appris à très bien jouer.

«Je ne jouais jamais quand j'étais triste, je ne jouais jamais quand j'étais trop heureuse, trop high. Maintenant, je crois être devenue une femme, d'autant plus moi-même. Je crois, d'ailleurs, que ça a produit un déblocage dans mon jeu pianistique. J'ai fait ce pas.»

Accompagné du saxophoniste Donny McCaslin, le trio de Julie Lamontagne se produira à L'Astral, le 1er juillet, dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal.