Du jour au lendemain, un modeste trio pop établi dans sa Suède natale devient une sensation planétaire, tout ça à cause d'une innocente chanson, Young Folks. Le choc, tel que raconté par Peter Morén, de Peter, Bjorn&John qui viendra présenter l'album Living Thing au National le 27 avril.

«Nous n'avons jamais eu l'ambition de devenir des pop stars, confie le chanteur et bassiste Peter Morén. Tout ce qui comptait, c'était de faire la musique qui nous plaisait. J'ai 32 ans aujourd'hui, je venais d'en avoir 30 lorsque l'album Writer's Block est sorti. Nous avions déjà lancé deux disques qui avaient eu un certain succès chez nous; alors, nous ne songions pas à une carrière internationale. Nous étions fiers et satisfaits du petit succès que nous remportions en Suède. Et là, du jour au lendemain, nous devions laisser nos jobs pour faire le tour du monde et donner des concerts. Aujourd'hui, c'est sûr que nous sommes heureux - je veux dire, c'est un rêve d'ado que de vivre de sa musique. Mais quel bouleversement...»

Peter était à l'université, en sciences de l'information, «pour devenir bibliothécaire, avoir un vrai job. Mais j'ai aussi étudié le cinéma et la littérature». Bjorn avait un boulot. John a une formation de percussionniste classique: «C'est probablement le meilleur percussionniste de Suède. C'est le gars « artsy « du groupe, le plus éclaté, le plus expérimental». Ils ont troqué le confort de leurs vies respectives contre les disques platine et les voyages en avion. «Ce qu'il y a de bien avec tous ces concerts, c'est qu'on est devenus de meilleurs musiciens. Nos concerts étaient poches avant...»

Un album plus sombre

Il y a un peu de ce que Peter appelle les «turbulences» de la popularité qui déteignent sur l'atmosphère générale de Living Thing, le cinquième album du groupe. «C'est vrai que c'est un album plus sombre, mais pas de façon négative. Nous avons toujours été un peu mélancoliques. Il y a des chansons joyeuses sur le nouveau disque, mais je crois en effet que l'atmosphère est plus inquiétante, plus froide. Ça a presque une ambiance de film de science-fiction.»

Ce Living Thing n'aurait pu exister sans la création du confidentiel Seaside Rock, un disque instrumental et jamais paru en CD que le groupe a enregistré et lancé l'année dernière. «Je comprends que pour le label, le vrai successeur de Writer's Block, c'est Living Thing. Pas pour nous.

«On avait besoin de le faire, ce disque, après le succès, les tournées, les turbulences», abonde Peter. Seaside Rock, c'est le disque identitaire de Peter, Bjorn&John, le retour aux sources.

«On a joué plein d'instruments différents, c'était comme un retour à la maternelle pour nous. Sur la chanson Eric's Fishing Trip, on entend mon grand-père s'exprimer dans un dialecte presque mort, une langue régionale que la grande majorité des Suédois ne comprennent même pas. C'est une partie de notre héritage, de notre culture. Musicalement, ça semble être un petit disque bizarre, mais je crois qu'on y reviendra, qu'il aura une longue vie. L'important, à ce moment-là, était de prendre ça cool, de faire un disque sans la pression, de revenir à ce qui nous motivait à nos débuts.»

Surtout, dans cet ovni de la discographie du groupe, on y reconnaît une panoplie de vignettes musicales qui sont à la base de Living Thing, des rythmes hip hop, reggae, brésiliens, krautrock, une manière malgré tout retenue d'enrober les compositions pour faire ce «son» pop typique au trio.

«On ne veut ni faire les mêmes albums ni écrire les mêmes chansons. On essaie de ne pas se répéter - refaire Young Folks, ce serait stupide. Mais pour nos fans de la première heure, ce disque-là ne devrait pas surprendre. Notre deuxième disque (Falling Out, 2005) est aussi un peu sombre, musicalement éclaté. Pour moi, c'est un album de contrastes: des textes heureux sur des musiques torturées, et vice versa. J'ai l'impression que ça fait vivre les chansons plus longtemps.»