On ne vous ressortira pas le cliché du «grand groupe québécois oublié». Mais dans le cas des Rabble, il faut bien admettre qu'on s'en approche.

Il y a 40 ans, cette formation- «culte» du Montréal anglophone a lancé deux disques de pop psychédélique étourdissants (The Rabble Album et Give Us Back Elaine) dignes de rivaliser avec la crème du rock international.

 

En toute logique, leur succès aurait dû dépasser les frontières de la ville. Mais les choses se sont passées autrement. Qu'est-ce qui a foiré? La réédition inespérée desdits albums nous a donné envie de remuer le passé (...)

Mené par le tandem de guitaristes Mike Harris et John Pimm, deux étudiants à l'Université McGill, The Rabble n'avait rien du combo québécois typique des années 60. Plus débridés, plus talentueux, plus drôles, plus échevelés, plus underground: tout les distinguait de la masse. Sans parler de leurs chansons, nettement plus originales que la moyenne.

«Nous n'étions pas un groupe de drogués, notre musique était trop complexe», résume Mike Harris au téléphone, en citant l'influence des Rolling Stones et des Mothers of Invention de Frank Zappa.

Complexe et pourtant commercialement accessible. Car The Rabble visait haut. Et loin. Leur premier 45 tours (Golden Girl) fut un tube sur les ondes des radios AM de Montréal. Tube qui les a menés à un moment donné à «endisquer» sur l'étiquette TransWorld, dans le but avoué de conquérir le reste du Canada, puis du monde.

Enregistrés en quelques jours, en 1966 et 1968, les deux albums n'ont pas la qualité d'une production haut de gamme. Mais il s'en dégage encore aujourd'hui l'urgence, la fraîcheur, la spontanéité et la folie d'une époque où tout était possible.

Ce n'était pas suffisant, hélas, pour dépasser les frontières du marché local. Après s'être produit à Expo 67 et joué dans le film Jusqu'au coeur (avec Robert Charlebois), The Rabble a fait un tabac à l'aréna Paul-Sauvé, remplaçant à pied levé le trio britannique Cream, qui ne s'était pas pointé! Ultime espoir d'une percée: leur premier disque a été distribué - sans conviction - par le label Roulette aux États-Unis.

Mais l'invasion planétaire n'alla pas plus loin...

«Il y avait un mur autour de Montréal, explique Harris, qui vit aujourd'hui à Scarborough en Ontario. Les liens d'affaires n'étaient pas assez développés avec de grosses villes comme Toronto ou New York. On nous voyait comme des extraterrestres.»

Après un dernier 45 tours au titre pour le moins ironique (reprise de Time Is on My Side, des Stones), The Rabble a cessé ses activités en 1970. Si John Pimm a continué à jouer de la guitare professionnellement, Mike Harris lui, a pris une toute autre route, devenant professeur de mathématiques à Scarborough...

Mais la réputation des Rabble elle, n'a jamais cessé de grandir. Connus - et activement recherchés - par de rares initiés, les deux disques du groupe pouvaient se vendre jusqu'à 500$ sur eBay.

Pas étonnant que la section des arts du journal The Gazette leur ait consacré trois pages complètes en juillet dernier. Ce dossier monstrueux a non seulement donné envie à Pimm et Harris de reformer The Rabble (projet en cours) mais il a incité les Disques Mérite, propriétaires des bandes, à ressortir illico les deux albums du groupe.

Dommage, toutefois, que cette réédition ait été bâclée dans le seul but de surfer sur la rumeur: si le rematriçage (remastering) est impeccable, la pochette se limite à une seule et simple feuille. Zéro livret, peu d'informations, pas de photos ou presque. Impardonnable. Et irrespectueux envers le groupe lui-même.

Encore une fois, The Rabble méritait mieux...

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THE RABBLE

The Rabble Album

Give Us Back Elaine


**** pour les disques

** pour la réédition