Sachant à quelle enseigne logent les Zapartistes -, résolument à gauche - on se demandait bien comment le groupe allait résumer cette surprenante année 2012, qui a éliminé du radar la plupart de leurs cibles préférées. À quoi peuvent bien carburer ces humoristes engagés qui ont contribué à l'indignation générale depuis plus de 10 ans une fois le «printemps érable» enseveli sous la neige?

Il régnait une étrange atmosphère au Métropolis jeudi soir pour la traditionnelle revue de l'année des Zapartistes. On ne sentait plus cette colère alimentant l'existence même de ce groupe né en opposition, faut-il le rappeler, à un empire de l'humour qui ne faisait pas assez dans le politique. Il arrive peut-être aux Zapartistes ce qui arrive aux Loco Locass, qui ne peuvent plus chanter maintenant Libérez-nous des libéraux. D'ailleurs, le spectacle s'ouvrait sur des adieux à Jean Charest, à Gérald Tremblay, à Gilles Vaillancourt et tous ceux qui passent à la trappe de la commission Charbonneau. Et c'est peut-être aux humoristes qu'ils vont le plus manquer finalement...

Le tiers du spectacle, sinon plus, était consacré à la crise étudiante. Un choix logique dans les circonstances, et pour les Zapartistes, et pour l'actualité qui a été dominée par cette crise pendant des mois. Très intéressant de voir Jean Charest converser avec Sun Tzu, le célèbre auteur de L'Art de la guerre, afin de démontrer l'utilisation de cette crise à des fins politiques. Mais ce n'est probablement pas facile d'être un humoriste engagé dans un camp qui a gagné en utilisant tout autant la crise étudiante pour ses intérêts. Pauline Marois, le trio Nadeau-Dubois-Bureau-Blouin-Desjardins et Québec solidaire ont été particulièrement épargnés dans cette revue.

Ce sont ces omissions dans le spectacle des Zapartistes qui étaient révélateurs d'un changement dans le paysage politique, et de la position plus délicate du groupe à présent. N'oublions pas que les Zapartistes ont vécu des bouleversements internes et que la distribution est dorénavant composée de Vincent Bolduc, Christian Vanasse, Jean-François Nadeau, François Patenaude et Brigitte Poupart, dont il faut saluer le courage d'avoir maintenu le flambeau, alors qu'il brûle les doigts bien plus qu'aux débuts du groupe. Nous parions que pour la prochaine revue, l'an prochain, Stephen Harper sera une cible de choix, lui qui a été plutôt oublié pendant nos querelles intestines, ce à quoi les Zapartistes remédient rapidement en faisant la liste de ses désirs imposés, comme la guerre de 1812 ou la monarchie...

Les Zapartistes auraient pu faire tout leur spectacle sur le printemps érable, car la plupart des autres sketchs semblaient greffés presque artificiellement à ce sujet crucial. Cela était particulièrement évident avec ce numéro hilarant sur Ron Fournier, forcé de parler de politique en l'absence de hockey. Selon lui, les rues auraient été vides de manifestants s'il y avait eu des séries, mais il souligne avec justesse les difficultés du PQ actuellement en désavantage numérique... Enfin, les Zapartistes auront réussi le tour de force de nous faire rire autant que réfléchir à l'attentat contre Pauline Marois le soir de sa victoire, sur les lieux mêmes où cela s'est passé (le Métropolis), avec l'aide inattendue de Francis Reddy et de Boucar Diouf, superbement imités.

Mais qui dit revue dit mémoire. C'est à cela que servent les «Zap» ou les Bye Bye. Les esprits légèrement refroidis, nous pouvons, dans ce spectacle, entendre et contempler l'absurdité de tellement de commentaires pendant la crise étudiante que pour cette seule raison, la revue a sa raison d'être. Même si beaucoup voudraient passer à autre chose, il ne faudrait pas oublier l'enflure verbale de cette période, tellement révélatrice d'une totale perte de contrôle dans un verbiage général qui tournait bien souvent en rond. C'est assez incroyable à quel point on a dit des conneries pendant cette crise. Et pas seulement d'un côté.

Le seul problème des Zapartistes, comme humoristes, est de n'avoir pas su montrer la connerie des deux côtés, ce qui est essentiel pour au moins tenter de comprendre ce qui s'est passé. Ils avaient pourtant l'embarras du choix, sinon le «choix de l'embarras» selon la formule, et c'est pourquoi la conclusion du spectacle, récupérant les slogans célèbres de la crise étudiante - «la loi spéciale on s'en câlisse», «à qui la rue? À nous la rue!» - à la sauce Star Académie semblait autant un aveu d'impuissance et une peur légitime de récupération, qu'un hommage et une critique désespérée d'un «moment» dont on n'a pas encore évalué toutes les conséquences.

Zap 2012 des Zapartistes, au Métropolis jusqu'à demain.