Serge Lama n'était sur la scène du Théâtre St-Denis que depuis 10 minutes tout au plus quand il a conclu la récente Grosso Modo en chantant: «Pour Jack Layton, va y avoir du boulot.» Ce fut dans ce spectacle généreux de plus de deux heures l'un des seuls moments pour nous rappeler que nous étions bien en 2011.

L'artiste de 68 ans nous a transportés dans le temps à une époque où la chanson française était avant tout affaire de texte, défendue par des artistes qui jouaient leurs chansons autant qu'ils les chantaient. Lama ne s'en cache pas, il est l'héritier des «grands aînés», de Chevalier à Gainsbourg en passant par Brassens, Brel et Bécaud dont il poursuit la tradition à sa manière. Mais son spectacle est moins figé dans le temps qu'intemporel. À une autre époque, un chanteur accompagné uniquement d'un accordéoniste et d'un guitariste aurait donné dans le sobre et le dépouillé. Pas Lama, enfin pas toujours. S'il lui arrive de chanter sans accompagnement musical, et parfois même sans micro, c'est toujours pour ajouter à l'aspect théâtral de son spectacle. Par contre, la programmation moderne aidant, l'accordéoniste Sergio Tomassi et le guitariste Philippe Hervouët peuvent tout aussi bien donner l'impression qu'ils ont appelé tout un orchestre en renfort comme dans Les glycines ou encore L'Algérie où Lama joue la carte dramatique.

Serge Lama ne fait pas qu'alterner bêtement entre les grands succès de sa longue carrière et les chansons de son dernier album, L'âge d'horizons. Il tisse plutôt des liens entre ses chansons de toutes les époques. La récente J'arrive à l'heure se glisse sans effort dans la classique D'aventures en aventures qu'il amorce sans accompagnement musical. De la même façon, Alors que l'on s'est tant aimés trouve son prolongement naturel dans Je t'aime qui lui vaudra une salve de bravos.

Qu'on aime ou pas le répertoire de Lama, on ne peut qu'admirer son métier. Cette façon qu'il a de réinventer ses chansons archiconnues en les jouant comme si c'était la première fois, avec ou sans clin d'oeil à son public complice, surtout les dames pourtant bien sages qui chanteront à son invitation un passage d'Objets hétéroclites (Tu te fais l'amour): «Je me fais l'amour au gré des frissons qui me parcourent.» Lama peut tout aussi bien chanter des choses pas très hop-la-vie (D'où qu'on parte) ou carrément ludiques (Verbaudrimlaine, numéro fantaisiste où ses musiciens sont mis à contribution), tout se tient. À la toute fin, il sera l'intensité même dans Marie la Polonaise puis il remettra ça avec la version la plus sentie qui soit de Je suis malade.

Juste avant cette chanson incontournable, Lama nous a avoué qu'en début de spectacle, il était «tétanisé», victime d'un trac de première comme il en éprouve rarement après 47 ans de métier. Si ça peut le consoler, personne à part lui ne s'en est rendu compte au St-Denis.

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Serge Lama donne un deuxième spectacle au Théâtre St-Denis, ce soir, à 20 h.