Trente ans après ses débuts fulgurants, Duran Duran avait donné rendez-vous à ses fans montréalais de toutes les époques au National, mardi soir. En jouant dans de petites boîtes, le groupe de Birmingham espère sans doute créer un buzz qui pourrait lui permettre de se produire devant des foules plus nombreuses dans un proche avenir.

Si l'on se fie au spectacle d'hier et au tout nouvel album All You Need Is Now réalisé par le fan Mark Ronson, Duran Duran a de bonnes chances de gagner son pari. Le groupe, composé de quatre des cinq membres d'origine appuyés par un guitariste, un saxophoniste-percussionniste et une chanteuse, n'en est pas à une renaissance près, lui qu'on croyait relégué aux oubliettes avec ses costumes bien taillés, ses synthés et ses vidéoclips stylés quand il a refait surface en 1993 avec la ballade Ordinary World, l'une des chansons les plus applaudies mardi.

La soirée a commencé curieusement par la projection de vidéoclips réalisés par des fans sur des chansons du nouvel album. Le public, gentil, a applaudi poliment ces clips à petit budget qui contrastaient nettement avec ceux, exotiques et très léchés, qui ont contribué à l'immense popularité du groupe dans les années 80. Mais personne n'a rouspété quand la projection s'est arrêtée inopinément en raison d'un problème technique. Blame The Machines comme allait le chanter Duran Duran plus tard dans la soirée.

Un peu passé 21 h, Nick Rhodes est allé se cacher derrière ses claviers, bientôt rejoint sur scène par le batteur Roger Taylor à qui la foule allait chanter Joyeux anniversaire au rappel. Ça s'est mis à chauffer sérieusement quand l'autre Taylor, John, qui a encore un look de jeune premier, s'est pointé avec sa basse ronde qui est plus que jamais au coeur du groove de Duran Duran. Simon Le Bon est arrivé tout de suite après et le groupe s'est lancé dans Planet Earth. Deux secondes et demie plus tard, le micro du chanteur barbu lui a fait faux bond et le public est venu à sa rescousse en chantant avec énergie ce tout premier succès du groupe en 1981.

C'était bien parti. On a vite constaté qu'il y aurait dans ce spectacle quelque chose de dépouillé, de spontané, de joyeux et de pas du tout prétentieux qui trancherait avec l'image plastique du groupe à ses débuts. On avait affaire à des musiciens en chair et en os, tous vêtus de noir mais qui allaient laisser tomber la veste assez rapidement tellement il faisait chaud dans ce National bondé.

Si Duran Duran a sept vies, c'est que certaines de ses chansons ont bien passé l'épreuve du temps, même si les synthés de Nick Rhodes nous rappellent parfois leur âge. Simon Le Bon est un meneur de jeu volubile dont la voix a encore du tonus mais qui donne parfois l'impression de ne pas trop savoir que faire de son corps. Or, ce petit côté maladroit le rend encore plus sympathique. Quant aux deux Taylor, ils forment toujours une section rythmique redoutable qui y est pour beaucoup dans la vitalité du groupe.

Duran Duran a pigé dans son vaste répertoire de succès des choses comme Hungry Like the Wolf, la funky Notorious qui porte encore la signature de Nile Rodgers, Friends of Mine, Careless Memories et The Chauffeur, dans laquelle Le Bon portait la casquette et jouait de la flûte de Pan, The Wild Boys, percussive et entraînante à souhait, et la plus récente (Reach Up For The) Sunrise, plus rock que la moyenne. Parmi les nouvelles, on retiendra surtout All You Need Is Now, au refrain irrésistible, et la ballade Leave a Light On, très applaudie.

Au rappel, après la jamesbondienne A View To a Kill, les Duran ont joué l'antédiluvienne Girls On Film pendant laquelle la choriste Anna Ross nous a servi un court extrait de Poker Face que chantait une autre dame la veille au Centre Bell. Là même où Duran Duran ne détesterait sûrement pas remettre les pieds un de ces jours.