Edgar Fruitier, étant donné son âge vénérable, n'a plus le casting pour camper le prince Tamino de La flûte enchantée. Ce n'est toutefois qu'un détail, que la magie du théâtre peut aisément manipuler. Edgar et ses fantômes, conçu spécialement autour du sympathique mélomane et communicateur, s'ouvre ainsi sur une scène qui s'inspire de l'ouverture de ce célèbre opéra de Mozart.

Edgar (on s'autorise à l'appeler par son petit nom, comme dans le spectacle) rêve dans sa discothèque quand apparaît un drôle d'oiseau: Papageno, qui cherche un certain prince poursuivi par un serpent... Pressé, le fantasque personnage oubliera une drôle de boule de cristal qui donne accès à la «connaissance universelle», et une flûte dont on découvrira bientôt qu'elle a le pouvoir de faire apparaître de grands compositeurs disparus depuis des décennies, voire des siècles.

Tricotée par le dramaturge Normand Chaurette, la trame narrative d'Edgar et ses fantômes est bon enfant. Volontiers fantaisiste, elle sert d'abord et avant tout un projet musical aux accents pédagogiques: explorer l'histoire de la musique et mettre en relief tant les styles que les tempéraments de Bach (Vincent Bilodeau), Mozart (André Robitaille), Beethoven (Sylvain Massé) et Erik Satie (Jean Marchand, excellent).

Edgar, tout à son étonnement d'être en présence de ces artistes qu'il admire, n'en perd pas pour autant ses moyens. Sur un ton plaisant, il livre des anecdotes, souligne un détail, explique à l'un l'importance de l'autre. Bref, Edgar reste Edgar: fin connaisseur et grand vulgarisateur. Surtout, il invite à entendre et, c'est instinctif, à comparer les oeuvres des uns et des autres.

Ainsi, au cours de ce spectacle d'une durée de trois heures (en comptant l'entracte), l'orchestre d'une vingtaine de musiciens dirigé par le chef Jean-Pascal Hamelin joue une quinzaine de morceaux: le premier mouvement de la Symphonie no 5 de Beethoven, des clins d'oeil à Pierre et le loup de Prokofiev, une badinerie de Bach ou encore la Gymnopédie no 3 de Satie. Des airs que tout un chacun garde en mémoire sans nécessairement en connaître les titres, même sans être amateur de musique classique.

Balancier théâtre-musique

Tel un balancier, ce spectacle hybride passe sans cesse du «moment théâtre» au «moment de musique». On doute parfois de la pertinence des scènes jouées (ainsi que du jeu franchement décontracté de Vincent Bilodeau et André Robitaille), mais il arrive que les deux univers se fusionnent de manière fort amusante. Comme dans cette scène où Bach et Mozart se disputent la direction de l'orchestre au point de lui faire jouer un air de La Chauve-souris de Strauss et un de La Traviata de Verdi en même temps!

Bref, il ne faut pas bouder son plaisir: Edgar et ses fantômes est un divertissement instructif, qui fait sourire et -c'est fondamental- s'appuie sur un chef et un orchestre de talent. Le sérieux de la portion musicale compte d'ailleurs pour beaucoup dans ce spectacle qui conviendrait même à un enfant d'une dizaine d'années. La finale se veut un hommage au sympathique Edgar Fruitier et aux décennies qu'il a passées à partager sa passion contagieuse pour la grande musique.

Edgar et ses fantômes, jusqu'au 25 septembre au Monument-National.