Poussée par le succès critique de Flavors of Entanglement, son plus récent album, Alanis Morissette a procédé à l'escale montréalaise de sa tournée nord-américaine, hier soir, resservant ses classiques à de fervents supporteurs.

Mais c'est une étrange performance qu'a offert la rockeuse canadienne aux fans réunis à la salle Wilfrid-Pelletier. Dense, opaque, souvent incohérente, mais réchappée par cette passion contagieuse qui anime encore la musicienne, qu'on sait très candide et personnelle dans ses chansons.

Son grand sourire et sa démarche énergique ont gardé à flot un concert qui n'en finissait plus de s'embourber dans les mauvaises idées. Malgré l'évident manque de direction artistique de ce tour de chant, qui cherche à faire entrer dans l'univers électro-world introspectif de Flavors of Entanglement les tubes rock pétillants, rageurs et chaleureux auxquels elle nous avait habitués, Alanis Morissette a réussi à ne pas faire regretter à son public de s'être donné la peine d'aller l'entendre.

Elle a d'abord mis trois bonnes chansons avant de nous faire voir la rage qu'elle a au coeur. Un extrait de la ballade The Couch en ouverture - cette chanson a servi de mortier entre différents segments du spectacle -, dans un éclairage tamisé, suivie de la nouvelle et mélancolique Versions of Violence puis d'un retour au classique Jagged Little Pill avec la chanson All I Really Want, que le public a reconnue instantanément.

Not the Doctor, qui montrait pourtant l'interprète passionnée sous ses plus beaux atours, et Not as We n'ont pas permis au spectacle de trouver sa vitesse de croisière; on a presque cru que ça y serait lorsque l'orchestre a joué les premières mesures de Head Over Feet, succès du premier album - enfin, le premier qui importe, Jagged Little Pill.

Déjà, plus de la moitié du concert avait filé. Alanis Morissette nous a entraînés ensuite dans ses réflexions dérivées de sa décevante vie amoureuse - pour résumer, son ex-fiancé, l'acteur Ryan Reynolds, vient de marier Scarlett Johansson. Bref, nous avons été plongés dans l'univers électronique et vaguement oriental qui accompagne sa déception amoureuse, thème principal de Flavors of Entanglement.

C'était confus, et sa voix, enterrée sous l'orchestre, ne l'a pas aidée davantage. Où étaient les chansons qui nous ont fait craquer pour elle au début des années 90? La ballade Perfect a ravi les fans sans les faire exploser. Plus tard, son plus grand succès, You Oughta Know, encore alourdi par l'ambiance torturée de la chanson précédente, Moratorium, semblait traîner son rythme comme un boulet. Pétard mouillé.

Encore plus étrange, Alanis Morissette a choisi de terminer le concert façon folk-rock intimiste, assise sur un tabouret, les musiciens en demi-cercle derrière elle. Hand in Pocket, l'une de ses chansons les plus lumineuses, a perdu toute sa magie à cause de cette ambiance feu de camp. Heureusement, le rappel, avec You Learn, Ironic et Thank You, a laissé la chanteuse et ses fans avec une bonne impression.

Résumons ce concert par un détail révélateur: en guise de décor, il y avait une immense toile qu'on aurait dit réalisée au fusain bleu et orange. La toile représentait Alanis Morissette de profil devant un coucher de soleil sur un lac, avec un arbre sans feuilles sur la gauche et une très grosse fleur d'orchidée au-dessus de sa tête. C'était incompréhensible et d'un goût fort discutable.