Jens Korndörfer, organiste allemand qui ouvrait hier soir la saison dominicale au Casavant de la Basilique Notre-Dame, remporta en 2008 le troisième prix du Concours international d'orgue du Canada dont son professeur John Grew est le directeur artistique.

Son programme était varié, c'est le moins qu'on puisse dire. Placé au tout début de cette heure sans entracte, l'immense Toccata, Adagio et Fugue, seul triptyque de toute la production pour orgue de Bach, permit au nouveau venu de 32 ans de se faire connaître à la fois comme technicien, comme registrateur et comme musicien.

L'impression est plutôt bonne. La technique est solide, sans être fulgurante, et le grand trait de pédale dans le premier volet est joué sans erreurs. Les registrations sont traditionnelles (au meilleur sens du terme), bien que le bourdon 8-pieds du Positif colore curieusement un Adagio d'ailleurs très orné. La Fugue s'est déroulée vivement, malgré quelques petites fautes au passage.

Les grands moments du récital devaient venir plus tard: le Prélude et Fugue en sol mineur de Brahms, obscur et puissant diptyque dont l'organiste tira le maximum, et les trois pièces de Jehan Alain, livrées à travers une belle recherche de jeux et, pour ce qui concerne les célèbres Litanies, avec toute la frénésie souhaitée par l'auteur.

Les Variations on «America» de Charles Ives (orthographié Yves sur le feuillet remis à la porte!) couronnaient le récital avec humour. Le thème ici est le God Save the King, sur lequel les Yankees avaient mis d'autres paroles. L'iconoclaste Ives, lui, y greffa des rythmes de polonaise (!) et l'organiste d'hier, là-haut, quelques registrations mordantes. Son choix marquait à la fois la fête du 4 juillet et la visite royale.

Sa présentation appelle par ailleurs bien des réserves. Le petit Trio BWV 586a vient d'une des sonates pour viole de gambe et clavecin de Bach et n'apporte rien à son catalogue d'orgue.

Le Schumann était mal identifié. Tout d'abord, il fallait lire Lebhaft (et non «Lebaft»). Il s'agit de la cinquième des six Fugues sur le nom BACH, de 1845. Le compositeur n'y a pas indiqué de jeux et ceux qu'avait choisis l'organiste se ressemblaient trop pour permettre une bonne identification des quatre voix de la brève composition. Et pourquoi ne jouer qu'une seule des six fugues?...

Le Reger était également mal identifié: il fallait lire op. 59 et non op. 65. L'organiste a lui-même reconnu que l'erreur était de lui. De toute façon, la pièce est sans intérêt. Tout comme cet Oriental Sketch d'Arthur Foote, piécette indigne d'un organiste sérieux.

JENS KORNDÖRFER, organiste. Hier soir, Basilique Notre-Dame (orgue à traction électropneumatique Casavant (1890-1991); 92 jeux, quatre claviers manuels et pédale).