La question se posait: qu'allait être Dead Obies sans Yes Mccan, figure médiatique et intellectuelle de la formation hip-hop? Gesamtkunstwerk était une oeuvre ambitieuse, conceptuelle, légèrement empesée...

DEAD. s'avère un condensé des forces vives du «Big Five» autoproclamé, tant au micro des quatre MC qu'à la console du bidouilleur VNCE CARTER.

Dès l'entrée en matière, Oh boy, on retrouve Joe Rocca dans une forme inégalée. Son élocution s'avère ciselée et efficace tout au long de l'album, mais atteint des sommets sur le simple Run Away, où 20some décline lui aussi parmi ses meilleurs vers. Ogee Rodman, à la voix chaude et feutrée, est l'autre vedette du disque, garant de refrains contrastés où intervient régulièrement le piano numérique de Jean-Michel Frédéric.

Sur la tranquille High, posée sur des guitares acoustiques, Dead Obies se fait plus introspectif que jamais. «Ils veulent peut-être mon succès, ils veulent pas ma life, les spotlights brûlent, ça m'rend high.» Puis les percussions enclenchent le refrain, où le «high» répété change de sens: «aïe, aïe, aïe». Le quintette pioche toujours dans les deux langues officielles pour exprimer ses certitudes et ses craintes, mais le propos n'a jamais été aussi intelligible.

Les efficaces ego trips Royautés et 24 interpellent au passage Yes Mccan - «Big Five, on est en forme, hors de question qu'on abandonne» et Alaclair Ensemble - «J't'inarrêtable, j't'avec la famille, la famille, la famille». On trouve au fil de DEAD. ces petits clins d'oeil aux tenants du «post-rap» québécois.

Les plus grosses productions de VNCE CARTER, avec leurs sonorités trap made in USA, se trouvent en fin de parcours. On pense à F1, C'est bon, mais surtout à André, étouffante démonstration de «soundcloud rap», caractérisé par des productions lo-fi et de puissantes basses distordues qui envoient les haut-parleurs à la morgue. Pas trop notre truc, mais les nostalgiques de Montréal $ud seront ravis.

Dead Obies s'assagit rapidement avec le R&B rétro-kitsch de 2gether, puis la formation conclut dans la même veine amoureuse avec la langoureuse Big Girl, appuyée par un choeur féminin.

Moins de mots, mais des textes plus frontaux. La perte de Yes Mccan ne semble donc pas avoir tari l'inspiration des rappeurs, qui ont resserré leur propos. Moins d'explorations sonores, mais plus d'efficacité dans les beats. VNCE CARTER tient le fort et se présente de nouveau comme l'un des meilleurs concepteurs rythmiques du Québec. Quarante minutes suffisent pour nous convaincre que Dead Obies a survécu à Yes Mccan.

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Rap. DEAD. Dead Obies. Bonsound.