Ils étaient 12 hommes pour chanter Gaston Miron. Elles sont 12 femmes pour enchanter Pauline Julien, sans compter les indispensables musiciennes Laurie Torres et Virginie Reid. Les parallèles à tracer sont nombreux entre ces deux projets réservés à des acteurs phares de la Révolution tranquille, mais dans le cas qui nous occupe, le concert imaginé par Ines Talbi a précédé l'album, de quoi faire vivre les chansons avant de les capturer dans le temps.

Pour honorer la carrière de la Renarde, en grande partie consacrée à l'interprétation, des femmes aussi actrices (Isabelle Blais, Émilie Bibeau, France Castel, Sophie Cadieux) ont été invitées à joindre leurs voix sur scène et sur disque.

Soyons honnête, l'auteur de ces lignes n'a pas encore assisté au spectacle, alors il ne sera question ici que de l'objet. Portées à nos oreilles: 13 chansons composées ou défendues par la muse militante éteinte en 1998, dont la carrière suscite un enthousiasme inédit - et fort bienvenu - sur la scène artistique.

Chouette idée que d'entrecouper les pièces de trois lettres de Pauline Julien adressées à son illustre amoureux et frère d'armes Gérald Godin. «Les mots, les mots ne valent rien, c'est la répétition, la confirmation par le temps et l'acte qui est valable», récite Louise Latraverse, en guise de puissant incipit. Puis s'enchaînent quelques perles, à commencer par la délicate Je vous aime déposée par Amélie Mandeville sur des arrangements et des harmonies célestes, suivie de la fédératrice L'étranger, où se mêlent les voix d'Erika Angell et des soeurs Talbi. La voix et le piano de Fanny Bloom ravivent quant à eux la mémoire de l'interprète grâce à une version superbement sentie de La Manic (Georges Dor). Ce sont ces mêmes instruments qui dominent Urgence d'amour, savamment ranimée par Klô Pelgag, infusée d'envolées vocales et de changements de tempo.

Pour leur part, Sophie Cadieux et Queen Ka déclament le poème de Louis Aragon Est-ce ainsi que les hommes vivent?, enregistré par Pauline Julien en 1963. Si la pièce, combinée à l'électro dansant d'Ah que la vie est belle! (Brigitte Fontaine), ne manque pas d'audace et d'intérêt, elle tranche un peu avec l'ambiance générale du disque. En outre, loin d'être ratées, ni la version de L'âme à la tendresse (France Castel) ni celle de Litanie des gens gentils (Isabelle Blais) ne parviennent à tutoyer les interprétations originales.

Voilà en somme un album hommage réussi, réalisé de main de maître par Ines Talbi et Martin Léon. On retient de cet effort collectif tout féminin de nombreuses fulgurances et de tout petits couacs.

* * * 1/2

La Renarde, sur les traces de Pauline Julien. Collectif. Spectra Musique.